Critique Call me by your name

Appelle-moi par ton nom est un étrange titre..

Appelle-moi par ton nom est un beau film…

Appelle-moi par ton nom est un livre raffiné et bouleversant..

Le livre est avant tout Proustien, par son sujet -un premier amour, sensuel et fort, qui est aussi une découverte par le narrateur, de son homosexualité. Il y a donc de nombreuses façons de connecter ce livre à un amour de Swann, les deux sujets principaux étant très proches. De plus le livre est aussi Proustien par son sens minutieux et pénétrant de l’analyse : Elio, le personnage principal a l’âge mûr et se penche sur son passé, à la recherche d’une page inoubliable de son adolescence, avec toute la perspicacité de l’homme qui a vécu, et plein de tendresse pour ce jeune lui-même, fougueux et intrépide, qu’il fut alors.

C’est pour cela que ce livre est d’une absolue beauté, il est à la fois empreint de l’expérience d’un homme capable de juger calmement une situation mais les actions qui se déroulent sont d’abord vécues par un adolescent fougueux qui laisse parfois son imagination et sa sexualité vagabonder sans garde-fou.

Comme chez Proust, le récit se déroule par résurgences successives de souvenirs, amenées par une lumière, une odeur, une réminiscence littéraire, un geste, un mot qui ouvrent les portes du temps retrouvé.

Le livre est construit comme une partition de musique : la trame, pas vraiment linéaire et résolument rétrospective, fait des boucles, des retours en arrière, des sauts en avant qui intriguent, puis se clarifient, émaillent le récit de leurs signes, comme les clochers de Martinville dansant dans la campagne normande…

Cette structure narrative est souvent très difficile à adapter au cinéma car si dans un livre nous pouvons revenir en arrière et relire d’anciens passages afin de mieux comprendre le texte. En effet, comme ce roman est écrit comme une succession de « flash-back » décryptés par le personnage principal, qui est aujourd’hui plus âgé , son adaptation à l’écran aurait pu donner un film décousu et difficile à suivre. Ce qui n’est pas du tout le cas : aidé par un casting absolument renversant dans leur exactitude des personnages c’est une œuvre d’une grande pureté, intelligente et sensible à la fois. À commencer par Timothée Chalamet dans la peau d’Élio qui fait preuve d’une maturité déconcertante pour un jeune acteur. Il est libre, il prend le temps de recevoir avant de réagir ce qui lui permet de rester continuellement en processus de vérité il arrive ainsi à dégager à la fois la fougue de la jeunesse mais aussi la maturité qu’a l’auteur du livre sur sa situation et Arnie Hammer en Oliver dégage beaucoup d’arrogance (comme le personnage du livre).

La construction dramatique de son personnage est bien rendue et sa relation amoureuse avec Élio est vécue de manière assumée et toute en subtilité. Un scénario et une mise en scène qui ne cherche pas à souligner ce que le public devrait comprendre. On laisse les personnages vivre leur situation et on est touché par leurs sentiments.

L’attitude des parents et celle de la petite amie d’Élio en conclusion portent le propos du film. Au lieu des reproches et de la condamnation, on pardonne, on approuve et on va même jusqu’à envier l’aventure charnelle entre les deux protagonistes. Le film nous enseigne que l’immoralité ne réside pas dans la satisfaction des désirs lorsqu’ils sont vécus dans le respect et que la déception douloureuse qui suit les aventures passionnées sera soignée avec le temps par les souvenirs heureux. Une œuvre à grand déploiement intérieur à travers laquelle la beauté est omniprésente. Un parfait reflet du livre et une adaptation de l’ambiance du récit retranscrit à la perfection