«Jamais, au grand jamais, un de mes robots ne se retournerait stupidement contre son créateur sans autre dessein que de démontrer pour la énième fois la faute et le châtiment de Faust». En écrivant cela dans la préface, Isaac Asimov donne le ton de l’ouvrage qui apporte une vision révolutionnaire des robots, se détachant du cliché où ce qui est créé par l’humanité finit par arbitrairement refuser de lui obéir et se rebelle contre elle, Asimov nomme cela le «complexe de Frankenstein».

 

                   Mettant un point d’honneur à éviter ce travers, il nous présente un monde où les humains ont pris soin de se protéger des robots en leur gravant trois lois auxquelles ils ne peuvent jamais déroger : 1. un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, en restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger. 2. un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par un être humain, sauf si conflit avec la première loi. 3. un robot doit protéger son existence, sauf si conflit avec la première ou la deuxième loi.

 

                                        Asimov déploie des intrigues regorgeant de finesse et ce, sous forme de neuf nouvelles qui couvrent une période où les robots sont peu acceptés, et l’on s’intéresse ainsi à leur intégration au sein d’une famille, jusqu’à présenter un futur où les Machines sont consultées et écoutées pour diriger les enjeux économiques mondiaux.

                                               Le format de nouvelle rend cet ouvrage très accessible, puisqu’il s’agit de lectures courtes, environ une trentaine de pages par nouvelle. Les récits sont fluides car Asimov nous confronte à chaque fois à un nouveau mystère et sait semer le suspense, nous menant ainsi jusqu’à la chute qui concerne souvent un jeu de réflexion sur l’application des 3 lois, expliquant le comportement d’un robot qui semble dysfonctionner.

 

 

                         Si la forme est merveilleusement maîtrisée, le fond n’est pas en reste et, alors qu’il fut écrit en 1950, l’ouvrage aborde des questions tout à fait actuelles. Ce recueil couvre des sujets plus larges que ceux traités dans le film I-Robot (avec Will Smith) qui répète le «complexe de Frankenstein». «Les robots» évoque tout de même le rapport de force entre hommes et robots mais de façon bien plus subtile qu’une violence pure, ainsi, même lorsqu’un robot se pensera supérieur aux hommes, il restera pacifique, les traitant seulement avec un mépris courtois.

Cette œuvre nous conduit également à nous demander si on accepterait d’acheter un robot pour en faire le compagnon de jeu de son enfant, ou si on serait prêt à élire maire un homme soupçonné d’être un robot.

 

 

 

                                       La nouvelle «Menteur» m’a paru détonner des autres puisqu’elle considère le cas d’un petit robot télépathe qui se révèle contraint de causer bien plus de souffrances que n’importe quel autre robot décrit dans cet ouvrage. Pouvant lire les pensées, il répondra aux interrogations de chacun en déformant la vérité selon ce qu’ils veulent entendre, pour ne pas les blesser, en respect de la Première Loi. Toutefois, ses mensonges ne perdureront qu’un temps avant de se révéler dévastateurs, permettant ainsi à Asimov de souligner une nouvelle fois que les dangers qui peuvent émaner des robots ne résident pas seulement dans leur hypothétique désobéissance mais aussi et déjà, dans la trop bonne obéissance à leur programme.

 

 

                    Cet ouvrage est aussi enrichissant à lire pour ceux qui ne connaissent pas encore ce pilier de la science-fiction, qu’à relire pour son caractère actuel, notamment sur les questions éthiques liées à la robotique.