De l’amour, de la passion, des épices et des traditions… voilà les éléments qui rythment la vie de Tita. Cette grande rêveuse voit ses aspirations anéanties face à une mère impérieuse. Etant la dernière des filles de la famille, la coutume ancestrale la prive du droit de se marier puisqu’elle doit assister sa mère jusqu’à la fin de ses jours. Or, elle est intensément et irrévocablement amoureuse de Pedro, qui était prêt à demander sa main… Constamment réprimée, Tita n’a d’autre choix que de s’exprimer grâce à la seule chose sur laquelle elle a une influence : la cuisine. Baignée dans l’univers culinaire depuis sa plus tendre enfance, on dit même qu’elle commençait à s’approprier les odeurs et les saveurs lorsqu’elle était encore dans le ventre de sa mère. De cette sensibilité, elle fait un don ; dans l’impossibilité de se faire entendre par la voix, elle fait alors parler ses plats et leur transmet ses émotions pour communiquer à travers eux.

 

 

Tita

 

Laura Esquivel se présente par ce roman comme une incontournable représentante du courant du réalisme-magique latino-américain qui, d’un contexte tout à fait réaliste, historique et avéré, fait jaillir des éléments surnaturels et magiques. Como Agua Para Chocolate (Chocolat amer pour la version française), publié en 1989, a été adapté au cinéma en 1992 par Alfonso Arau sous le même nom (Les épices de la Passion en français). Le roman a connu un succès phénoménal, a été traduit dans plus de trente langues et a été classé par Le Monde parmi les cents plus grands romans en langue espagnole du XXème siècle. Laura Esquivel, engagée en politique, a assis sa carrière littéraire grâce à ce savoureux roman.

 

Tita cuisinant les cailles aux pétales de rose

 

Et des saveurs, ce livre nous en offre de toutes sortes. La langue est fluide et délicate, et la forme tout à fait originale : chaque chapitre mêle l’explication d’une recette de cuisine à l’avancement de l’histoire. Les épices et le piment utilisés dans les recettes servent à relever ce récit passionné qui nous laisse entrevoir la condition de la femme mexicaine du début du XXème siècle. On y trouve également des éléments de contexte très intéressants concernant la Révolution Mexicaine de cette même époque, relatés du point de vue d’une population civile paysanne. Au-delà d’un contexte déjà dense, les personnages sont dépeints avec une force incroyable, et l’auteur nous fait brûler de passion lorsqu’elle évoque Tita et Pedro, dont l’amour est proscrit ; elle nous fait tressaillir d’effroi à chaque entrée en scène de Mamá Elena, la mère glaciale et impassible de Tita ; heureusement, elle nous réchauffe le cœur et nous fait goûter de nouveaux parfums grâce à la nourrice de la maison qui apprend à Tita tout ce qu’elle sait sur la cuisine : Nacha est en effet une descendante des indigènes mexicains et porte en elle un héritage et des secrets qu’elle ne révèle qu’à celle qu’elle considère comme sa propre enfant. C’est donc par elle et la minorité indigène admirée et crainte qu’elle incarne que s’intensifie l’aspect mystique et magique de l’œuvre.

 

Tita et Pedro

 

En somme, si vous ne savez toujours pas comment déguster une fabuleuse œuvre littéraire mexicaine, prenez une douzaine de recettes typiques de la région, ajoutez-y une bonne dose de réalisme-magique, un style d’écriture travaillé et fin, des personnages hauts en couleur, une histoire d’amour interdite et des reflets de la vie quotidienne du Mexique de la Révolution. Mélangez le tout et vous obtiendrez ce délicieux roman au titre alléchant : Como Agua Para Chocolate.