Bo Burnham est un comédien de stand-up américain, auteur-compositeur-interprète, acteur, réalisateur et scénariste. C’est aussi mon crush. Ça fait beaucoup.

En 2020, pendant la pandémie de covid et le confinement aux Etats-Unis, il écrit, interprète et réalise, seul chez-lui, Bo Burnham : Inside. Cette œuvre (on parlera un peu plus bas de comment la décrire par un genre) est disponible sur Netflix depuis le 30 mai 2021. Elle m’a beaucoup touchée, de même que beaucoup de personnes si on en croit les nombreux retours positifs reçus. Je suis persuadée que cela tient au fait qu’il s’agit d’une œuvre véritablement unique.

Mais on va commencer par le début : un « spécial » d’un comédien américain, ça doit être drôle non ? Non?

En lançant Bo Burham : Inside, je m’attendais à retrouver l’humour doux-amer de Make Happy, des chansons sarcastiques sur la société et la politique, un rythme soutenu… Et c’est le cas. On retrouve tout ça dans le spécial, pourtant, on en ressort avec un sentiment radicalement différent.

Durant le premier tiers, on aborde des sujets plutôt classiques, relativement légers, et on rit franchement, puis on avance doucement vers une ambiance plus pesante. Ce n’est pas tant que les sujets deviennent en eux-mêmes plus sombres, bien que ce soit le cas, mais les sketchs et les chansons sont de plus en plus entrecoupés de morceaux de rush glissés dans le résultat final. On parle ici de rushs de caméra où on voit Bo préparer son équipement, parler à sa caméra de ses doutes, on ressent ses frustrations, son ennui, et par-dessus tout sa solitude. On se sent à la fois intru et invité. Ces scènes dégagent une réalité presque dérangeante par ce qui apparait comme une absence de mise en scène. La crise que nous avons vécu et qui est toujours d’actualité, beaucoup ont essayé de la transcrire visuellement, et je pense sincèrement que personne ne l’a fait aussi bien. Bo Burnham donne tellement de lui dans cette œuvre que les lignes fiction-réalité sont brouillées.

Cette honnêteté et cette manière de se livrer sous couvert de comédie étaient déjà des points forts de ses précédents spectacles, ce qui leur donnait leur saveur et les rendait si drôles. Qu’est ce qui rend Bo Burnham : Inside si différent ?

“Does anybody want to joke, When no one’s laughing in the background?”

Déjà, l’absence d’audience est un point fondamental. A travers ce qu’on nous montre, les sketchs, les chansons, les rushs, c’est une vraie réflexion sur ce qu’est le fait de performer à laquelle on assiste. Peut-on vraiment faire du stand-up comedy quand on est seul chez soi ? Comment avoir la volonté de tout donner lorsqu’on a que sa caméra devant soi ? Si cela ouvre la porte à une créativité et une liberté beaucoup plus large sur la forme, qu’en est-il de la performance ?

Au-delà de ça, on s’interroge aussi sur notre manière de consommer : peut-on ressentir tout ce qu’on a voulu nous transmettre si on le reçoit à travers nos écrans d’ordinateurs ou de téléphone ?

“But look, I made you some content”

Même si c’est loin d’être la seule œuvre à entamer ce genre de réflexion, cela reste un point important à soulever. Il ne donne pas de réponse car c’est SA relation avec SON public qu’il explore, encore une fois dans une honnêteté voilée et entrecoupée.

J’ai déjà mentionné la forme atypique que prend l’œuvre, mais c’est pour moi ce qui la rend véritablement unique. Entre délires méta, chansons, et intrusion dans les coulisses, on ne sait comment trop définir ce qu’on est en train de voir.

Bo définit ce qu’il est en train de faire comme un « special », qui est un terme américain assez vague pour « une émission de télévision autonome qui interrompt temporairement la programmation épisodique normalement prévue pour un créneau horaire donné ». Néanmoins on sent que cela devient rapidement autre chose : un documentaire, un film à sketch ? Cela ressemble à un peu tout à la fois, et par conséquent à quelque-chose de complétement nouveau.

Le plus impressionnant au niveau de la forme est très certainement l’esthétique de l’œuvre, qui est véritablement incroyable. En gardant en tête que cela a été réalisé, filmé, mis en scène sans équipe et à domicile par Bo Burnham lui-même, le résultat est extraordinaire. Les jeux de lumières notamment sont à couper le souffle.

J’en ai déjà beaucoup dit, et, je pense que vous l’avez compris, je vous conseille vivement de voir cette œuvre. Il vous reste énormément à en découvrir et il ne faut pas passer à côté ! C’est drôle, c’est touchant, et c’est fascinant.

De plus, si ça vous intéresse, les chansons du film sont disponibles sur Spotify et c’est un plaisir fou.