Après avoir produit et réalisé leur premier succès From Hell, avec Brad Pitt dans le rôle d’un enquêteur sur Jack l’éventreur, les réalisateurs jumeaux Albert et Allen Hughes produisent en 2010 leur plus grand succès à ce jour, le Livre d’Eli.

 

        

Héros malgré lui, Eli n’a pas de super pouvoirs, pas non plus l’apparence d’un sauveur du monde, ni même le caractère avenant, ouvert et souriant d’un héros stéréotypé de l’Univers Marvel. Au contraire, il a l’air banal, simplement vêtu, et lutte pour survivre dans une Amérique dévastée il y a 30 ans par une guerre nucléaire. L’atmosphère s’est déchirée, rendant les rayons du soleil nocifs, faisant ainsi des millions de victimes, et d’autres millions d’aveugles.

 

« Donne aux autres plus qu’à toi-même »

 

Mais ce qui m’a particulièrement marqué chez ce personnage, malgré sa précarité c’est sa persévérance, sa violence mais aussi sa générosité dans l’effort. Lui, âgé, seul et affaibli, traversant inlassablement les Etats-Unis vers l’Ouest pour y porter un simple livre ? Mais simple ce livre ne l’est pas, de même que ne l’est pas non plus le voyage qu’il entreprend. Dans un pays meurtri où règne l’anarchie, c’est une guerre de gangs qui fait la loi. Mais Eli, seul, est comme protégé par miracle face à toutes les agressions qu’il subit.

 

Cependant, l’histoire ne se termine pas sur un succès d’Eli, triomphant dans sa mission, et sauvant ainsi sa part du monde, ça aurait clairement enlevé toute saveur au film. Intervient alors le méchant de l’histoire, Carnegie. C’est un antagoniste stéréotypé : mégalomane, et riche qui n’a pour fantasme que le pouvoir spirituel sur ses sbires et les gens du hameau qu’il contrôle. Et c’est dans un livre qu’il cherche la source de son pouvoir. Voyant d’abord Eli comme un simple voyageur cherchant l’hospitalité dans son village, Carnegie s’intéresse de plus en plus à lui et à son précieux livre, auquel il tient plus qu’à sa vie. Il tente alors de retenir Eli par les plus vicieux moyens, et de lui voler le livre. Se liant d’amitié avec Solara, fille de Carnegie, Eli, constant dans sa droiture, tente tant bien que mal de continuer son chemin.

 

Jamais pourtant il n’atteindra son but, Carnegie lui vole son livre et le laisse agonisant dans le désert. Mais le courage et la foi d’Eli n’auront pas été vains ; car, aidé par Solara, Eli repartira et arrivera finalement à l’île d’Alcatraz, certes sans son livre, mais pas sans son contenu. Quant à Carnegie, c’est un livre aux pages blanches qu’il rapporte chez lui, un livre qui, dès lors, consacre son échec et sa chute.

 

La réussite par la persévérance et la foi au service de l’Humanité

 

Ce qui caractérise fondamentalement les 2 personnages principaux, Eli et Carnegie, c’est leur inébranlable foi. Mais l’abyssale différence entre les deux c’est l’usage qu’ils en font. Carnegie n’a soif que de pouvoir et ne voit dans le livre qu’un outil de domination des cœurs et des âmes. Il n’agit donc plus par foi mais par ambition et égoïsme. Mais Eli, lui, agit au nom de l’Humanité, de la foi et de la culture aussi, et c’est ce qui finalement fait pencher la balance du scénario de son côté.

 

Un film a la morale classique mais interprétée de manière originale et remarquable

 

         Le film garde donc une morale classique, avec finalement la déchéance de Carnegie mais il n’est pas non plus le triomphe du bien, ce qui fait l’originalité du scénario ; car n’oublions pas qu’Eli est un tueur prêt à tout pour réussir sa mission. La victoire est donc certes celle du « gentil », mais en vérité plutôt celle d’un gentil en demi-teinte.

 

Aussi le choix de Denzel Washington dans le rôle d’Eli s’avère être une réelle réussite. Lui qui avait interprété Malcolm X dans le film Malcolm X de Spike Lee en 1993, prend là aussi le rôle du héros principal et j’ai trouvé son interprétation remarquable : il mêle à la fois la violence, la bienveillance et le courage.
Pour ma part j’ai trouvé le scénario plutôt simple mais original autant dans son déroulement que dans son dénouement. Le rôle principal d’Eli est magistralement interprété par Denzel Washington auquel on s’attache malgré sa froideur et son air grave. Un film intéressant donc, qui illustre à mon goût très bien le courage de la foi, et les travers de l’ambition.