La griffe du chien

 

« Le bébé est mort dans les bras de sa mère.

A la manière dont gisent les deux cadavres – elle dessus, le bébé sous elle -, Art Keller comprend qu’elle a tenté de protéger son enfant en lui faisant un rempart de son corps. Elle devait pourtant savoir, songe-t-il, que la douceur de sa chair ne pourrait arrêter les balles – pas à cette distance, pas des rafales d’armes automatiques -, mais elle a dû agir d’instinct ».

 

 Ces quelques lignes par lesquelles débutent La griffe du chien de Don Winslow sont une parfaite manière de faire entrer le lecteur dans l’histoire.

 L’action de ce roman (le premier d’une trilogie) se déroule sur une période de vingt-cinq ans et un fond historique bien représenté. Cela nous permet de suivre l’évolution de plusieurs personnages qui se retrouvent plongés au cœur d’une intrigue centrée sur la violence des trafics de drogue qui frappent de plein fouet les Etats-Unis, le Mexique mais aussi le reste du continent américain.

 

 

Un fond historique bien représenté

 

 En premier lieu, il faut souligner la précision du récit qui non seulement met en lumière les cartels de drogue mexicain tels que le Sinaloa, mais aussi les groupes d’Amérique du Sud comme on le voit durant les phases de narration qui nous montrent les interventions américaines en Colombie ou encore les gangs qui contrôlaient le marché de la drogue aux Etats-Unis avant la prise de pouvoir des groupes d’Amérique Latine. On peut par exemple noter la figure de Paul Castellone sous les traits du personnage de Paulie Calabrese, lui aussi assassiné à la sortie du restaurant new-yorkais Sparks Steak House. La trame du roman reprend ainsi de nombreux évènements historiques comme l’affaire Iran-Contra des années 1980.

 

 

Une violence qui ne laisse pas de marbre

 

 Pourtant, ce qui fait la puissance de cette fiction, au-delà de sa capacité à s’inscrire dans l’Histoire, demeure la puissance de certaines scènes qui sont décrites avec une cruelle simplicité. Don Winslow maintient tout au long de son œuvre un rythme soutenu dans la narration de son scénario, préférant utiliser un style sec et des expressions simples pour bien nous permettre de nous représenter les images, au lieu d’une prose travaillée qui embellirait l’intrigue. De ce fait, les massacres et les scènes de torture ne sont pas épargnées au lecteur mais lui permettent de bien réfléchir sur la condition humaine et au pouvoir que peut avoir l’argent sur nous.

 

 

Une intrigue et des personnages intéressants

 

 Ainsi, La griffe du chien possède cette capacité à mettre en scène des personnages qui peuvent à tout moment voir leur destin changer. En effet, dès le début, celui que l’auteur commence à nous montrer comme un honnête représentant de la loi n’est en réalité qu’un génie du crime qui, depuis longtemps, avait organisé son plan pour reprendre les rênes du tout-puissant cartel de drogue de l’époque dès que son leader actuel serait tombé.

 Enfin, et c’est là que le génie de Don Winslow entre en jeu, aucun personnage n’est manichéen. Le personnage principal, Art Keller, qui d’un côté est le « Seigneur de la frontière » totalement incorruptible, sait faire preuve de brutalité physique sans avoir de scrupules, quand de l’autre côté, son ennemi juré, le chef de cartel Adan Barrera, a beau être capable d’ordonner l’assassinat d’innocents pour ravir ses associés, demeure un père de famille aimant et toujours présent pour sa fille handicapée.

 En d’autres termes, voilà le livre que vous pourrez dévorer sans vous en rendre compte mais qui, une fois terminé, vous aura profondément marqué…