Le génie de l’animation occidentale Genndy Tartakovsky est de retour. Vous ne le connaissez probablement pas mais il est le créateur de classiques tels que le Laboratoire de Dexter, les Supers Nanas et surtout Samouraï Jack. Deux ans après la diffusion de la saison 5 de Samouraï Jack, il revient sur Adult Swim avec un nouveau concept : PRIMAL.
Fini les dessins animés tout-public, le réalisateur nous piège dans un univers jurassique d’une violence vertigineuse. Nous y suivons les aventures de « Lance », un homme des cavernes aussi fort et agile qu’Hercule, et de « Croc », un T-Rex femelle aussi habile à la chasse que la déesse Diane. Ils sont tous les deux réunis par la brutalité tragique du monde dans lequel ils essaient de survivre.

 

Rouge est le sang, noire est la mort.

 

Comment sont réunis nos deux improbables héros ? Nous avons d’abord la perspective de Lance qui, en rentrant d’une pêche fructueuse dans une magnifique jungle, nous fait assister à une scène horrible dans laquelle sa femme et ses enfants se font dévorer par une horde de T-Rex gigantesques, tous rouges et noirs. Après avoir contemplé le suicide, c’est dans une scène poignante que notre guerrier trouve la force de continuer de vivre dans ce monde d’une brutalité absurde où l’on peut perdre sa famille en trois bouchées. Il part de ce pas à la chasse au T-Rex. C’est alors qu’il trouve Croc, elle-même un T-Rex femelle, mais grise, en train de défendre ses bébés contre les mêmes T-Rex, rouge et noirs, qui ont massacré la famille de Lance. On comprend, de ce fait, que les créatures de ce monde sont codées par la couleur de leur peau. Tout ce qui est rouge et noir est une bête assoiffée de sang incapable de pitié (une attaque contre le Stade Toulousain ?). Les autres sont neutres. Fou de rage à l’idée de voir son histoire se reproduire, il rejoint Croc dans un combat aux proportions si épiques que j’en ai encore des frissons rien que d’y penser. Mais la tragédie se répète quand un T-Rex alpha rouge et noir de la taille d’un immeuble dévore les deux bébés en une bouchée. Une fois le monstre défait, notre duo se forme : deux barbares dans le chaos du jurassique.

 Chaque épisode a sa trame unique, ce qui les rend chacun indépendant l’un de l’autre. Cela coupe la frénésie du « binge-watching » et nous pousse à nous intéresser à chaque épisode pour ce qu’il est, à savoir un véritable chef d’œuvre à mon goût.

 

 

La beauté sauvage, un spectacle de haine et de sérénité.

 

Ce qui nous frappe dans cette série, quand on ne connaît pas Genndy Tartakovsky, est le choix artistique de produire une œuvre sans dialogue. La bande sonore est incroyable au passage. Que ce soit les ambiances sonores qui nous plongent dans une jungle inquiétante ou dans un blizzard implacable, ou encore le rythme effréné des percussions qui accompagnent les combats qui font rage.

Quand le dialogue n’est pas possible, chacun agit pour exprimer ce qu’il ressent. Et au fond, je trouve ce choix vraiment judicieux pour un format animé coupé en épisodes de 20 minutes. Car souvent, nous nous trouvons avec des séries remplies de dialogues insipides et inintéressants qu’on oublie aussi vite qu’on les a entendus. Ici, nos sens sont absorbés par l’image juste magnifique, et ce tout à l’honneur de Scott Willis qui est à la direction artistique, mais aussi par l’action qui ne cesse jamais. Les cinq épisodes forment un spectacle macabre d’une violence inouïe où le sang gicle, les membres s’arrachent, les cris agressent. Mais la beauté de l’image transmet un profond message écologique faisant l’apologie nostalgique d’une nature sauvage indomptée par l’homme et resplendissante de couleur. Lance est souvent ému par la beauté du monde qui l’entoure, à la manière de Camus dans ses Noces à Tipasa. Et nous sommes tout aussi émus par ces personnages qui ne peuvent s’exprimer que par des cris et leurs expressions faciales.
C’est en caleçon ou en culotte devant nos écrans qu’on redevient homme/femme des cavernes et que l’on se sent immergés dans cette fantaisie viscérale qui prend aux tripes.

 

Ceci n’était que la première partie. Les 5 prochains épisodes qui commenceront par un nouveau départ, pour des raisons que je vous laisse découvrir, seront diffusés début 2020. Cette série a fait tellement parler d’elle qu’elle est prétendante aux oscars du meilleur film d’animation dans un format film qui rassemble les cinq premiers épisodes. En attendant, prenez 100 minutes de votre vie pour admirer ce spectacle époustouflant.

La bise jurassique