« Quand tu auras vécu aussi longtemps que moi, Petit Frère, tu t’apercevras que toute la Jungle obéit au moins à une Loi. Et la découverte ne pourra te plaire qu’à demi ! » ajouta Baloo.

 

Le Livre de la jungle, vous connaissez sans doute cette histoire que ce soit de nom ou par l’adaptation de Disney. Mowgli le petit d’homme, un enfant sauvage qui vit dans la Jungle avec pour amis toute sorte d’animaux. Tout l’imaginaire de cette œuvre a notamment nourri l’univers du scoutisme et nous croyons tous plus ou moins connaître Le Livre de la Jungle, et si on vérifiait ?

 

 

 

 

 

 

Zoom sur l’oeuvre originale.

 

Le Livre de la Jungle, publié en 1894 par Rudyard Kipling, est constitué de deux livres qui correspondent à un recueil de 15 nouvelles, et, première remarque : le si célèbre Mowgli n’apparait que dans 8 d’entre elles. On voit également que Kipling tire son inspiration de ses six années de vie en Inde, car il centre la plupart de ses nouvelles sur des animaux sauvages impossibles à rencontrer en Angleterre. Les seules nouvelles ayant un lien entre elles sont celles qui concernent Mowgli, le petit d’homme. Parmi les autres on suivra l’histoire de Kotick, un jeune phoque qui cherche à guider son espèce dans un lieu où les hommes ne pourront plus les chasser ou encore celle de Rikki-Tikki une mangouste combattante de cobras…

 

La force principale de cet ouvrage est de réussir à créer un univers qui semble facile à étendre. Que ce soit pour les aventures de Mowgli ou pour une nouvelle indépendante, il s’agit de relater les exploits d’un animal hors du commun. On comprend alors sans difficulté que l’univers de l’œuvre ait été repris pour le scoutisme : les possibilités d’histoires sont infinies, tout comme les leçons à en tirer. Comme Kotick le phoque, il faut apprendre la persévérance, comme Mowgli il faut apprendre à respecter les lois qui permettent la bonne entente… Si l’on se contente de seulement lire les nouvelles, on trouvera qu’elles sont bien écrites mais le schéma narratif pourra paraître répétitif et l’on passera à côté de ce qu’apporte l’œuvre : il faut prendre le temps de voir les différentes morales qu’elle propose et se rendre compte que le recueil créé un imaginaire fantastique tout entier. Une dernière remarque sur la structure de l’œuvre : Kipling entrecoupe chaque nouvelle d’un chant, en rapport avec l’histoire qui lui précède et en mentionne les protagonistes.

 

Une adaptation pour enfant.

 

L’histoire d’un jeune héros dans un univers fantastique, le tout entrecoupé de chansons et conclut par une morale ? Voilà du travail pour Disney et ses films d’animation ! Notons d’abord que le scénario de cette adaptation repose essentiellement sur les trois premières nouvelles, soit environ 90 pages. On y retrouve donc bien le Conseil de la meute de loups qui décide de garder Mowgli, son instruction par Bagheera et Baloo, la rencontre avec Kaa, l’enlèvement de notre héros par les bandar-log (le peuple singe) et la défaite de Shere Khan. Mais l’adaptation pour enfants diverge grandement de l’œuvre originale pour son adoucissement des personnages. Kaa et les éléphants, sont décrits comme gigantesques et respectés de toute la Jungle, or, ici, Disney les utilise pour des gags. Une autre différence majeure concerne les singes, si le film d’animation fait bien comprendre que toute la Jungle les déteste, l’explication fournie se perd à travers l’agitation de leur scène. On comprend donc à peine qu’ils sont haïs pour leur non-respect des lois de la Jungle et leur incapacité à tenir des discours cohérents.  De plus, l’auteur souligne également à plusieurs reprises que les singes n’ont pas de chef, désolé Roi Louie, tu n’es pas censé exister.

 

Ce qui ressort de cette adaptation est donc l’extrême adoucissement de certains personnages, Kaa et les éléphants, et en cela elle change le ton de l’œuvre et d’importants points de son univers. Cependant, il faut bien comprendre que Disney a fait ce choix pour concentrer toute la crainte du spectateur en un seul personnage : Shere Khan. Et cela est plutôt réussi, le cruel tigre est mentionné dès les premières minutes mais n’apparaît qu’à la 45e, laissant le temps de créer une tension quant à  son arrivée, sachant que chaque animal précédemment rencontré avoue sa peur du prédateur. Le Disney perd donc largement en fidélité pour gagner en efficacité, c’est cette volonté qui a causé le rejet d’une fin impliquant le chasseur du village, Buldéo, et le retour de Mowgli à ses parents qui lui auraient rappelé son vrai nom « Nathoo », fin plus proche de l’œuvre de Kipling mais perdant en simplicité. Disney a donc fait de trois nouvelles, une histoire à la complexité adaptée aux enfants.

 

 

Adaptation de l’oeuvre de Kipling ou du film d’animation ?

 

Disney a de nouveau adapté l’œuvre en 2016, mais cette fois en long-métrage. A mi-chemin entre une adaptation de leur propre film d’animation et du recueil de Kipling, on retrouve la plupart des différences déjà évoquées : la parole donnée aux singes, le Roi Louie et le pouvoir hypnotique de Kaa qui n’a pas lieu d’être. Le film conserve la plupart des chansons de la précédente adaptation mais s’appuie sur davantage de nouvelles de l’œuvre de Kipling : la sècheresse fait partie de l’intrigue, les loups Akela, Rakasha et Frère-Loup ont un rôle plus important, l’immense taille de Kaa est respectée et la solennité des éléphants les rapprochent de l’œuvre originale.

 

 Cependant on voit que cette production hésite entre une volonté de se rapprocher du recueil de Kipling et l’envie de rester tout public, cela se voit notamment à travers deux exemples. Le fait que le roi Louie chante Être un homme comme vous en gardant le ton jazz rompt complètement avec la volonté de le rendre effrayant, la référence au film d’animation semble d’ailleurs forcée et atténue l’effet du gigantisme du singe ou la tentative de montrer la férocité des animaux de la jungles. Un autre point problématique, pendant le film Mowgli créé divers outils qu’il appelle « astuces », alors qu’il n’a eu aucun contact humain depuis son arrivée, bébé, dans la Jungle. Dans certaines nouvelles de Kipling, Mowgli retourne au village des hommes et apprend d’eux mais ce n’est pas le cas dans ce film et les diverses constructions que réalise Mowgli semblent ne devoir s’expliquer que par « c’est grâce à son instinct d’homme ».

 

 

Ton sombre et adaptation fidèle.

 

TOU-DOUM, partons sur Netflix pour Mowgli : La légende de la jungle. Et ce qui apparaît clairement  dès les premières minutes est la fidélité de l’adaptation : Kaa majestueusement énorme et assez âgée pour avoir vu l’arrivée du village des hommes près de la Jungle ? Check.  La présence de Tabaqui, charognard et acolyte de Shere Khan ? Check, bien qu’il soit ici une hyène et non un chacal. L’infirmité de Shere Khan qui lui vaut le surnom de boiteux ? Check. Bagheera qui fait offrande de la vie d’un taureau pour que Mowgli puisse rester dans la Jungle, conformément à la loi des loups ? Check. Même le passage de l’enseignement de la loi de la Jungle par Baloo est respecté. En plus d’être un film assez bien construit il a le mérite de suivre de près les éléments décrits par Kipling.

 

On pourrait simplement regretter la superficialité de certains moments, comme la seule fonction de Boot, un loup albinos qui, comme Mowgli se fait embêter par le reste des jeunes loups et est donc uniquement là pour attrister le spectateur, ou encore le passage de Mowgli dans le village des hommes qui est sous-exploité et semble dire « regardez, on fait référence à telle nouvelle, ici ». Cette adaptation a donc le mérite de s’approcher au plus près du recueil original en en donnant un ton plus sombre mais reste un bon film pour ceux étrangers à l’œuvre de référence.

 

 

 

Malgré son casting d’exception, (Bill Murray et Scarlett Johansson pour Baloo et Kaa en VO et Bernard Gabay, Cécile de France et Eddy Mitchell respectivement comme Bagheera, Kaa et Roi Louie) l’adaptation de 2016 par Disney semble être la moins réussie car sa tentative de se rapprocher de l’œuvre originale se heurte à sa volonté de rester tout public. Pour profiter pleinement et en toute légèreté du riche univers offert par le Livre de la Jungle, le film d’animation de Disney est le choix tout trouvé, mais si vous voulez connaître le vrai Livre de la Jungle foncez vers l’adaptation de Netflix ou directement vers les nouvelles de Kipling si vous voulez rêver d’aventures fantastiques en compagnie d’animaux fabuleux.