« Voici réunis des gens de toutes classes, de toutes nationalités et de tous âges. Pendant trois jours, ces personnes, étrangères les unes aux autres, vont dormir et manger sous le même toit. Elles mèneront une vie commune, et au bout de ces trois jours elles se sépareront pour ne se revoir peut-être jamais.

-A moins qu’une catastrophe… »

 

On ne pourrait mieux présenter le Crime de l’Orient-Express qu’avec cet extrait. Ce roman nous plonge aux côtés de l’auto-proclamé « plus grand détective du monde », l’homme aux petites cellules grises, j’ai nommé : Hercule Poirot ! Être un enquêteur de ce calibre implique parfois de se retrouver dans des situations peu probables. Comme voir son train Stamboul-Calais bloqué par la neige et être ainsi coincé avec les autres passagers. Dont un mort.

 

Une enquête bien construite, ou comment résoudre correctement un crime :

 

Cette histoire s’offre donc à nous comme un huis-clos où notre détective belge s’efforce d’élucider le mystère de la mort d’un des passagers. Les amateurs de romans policiers le savent : pour résoudre un crime un bon détective a besoin de méthode. En revanche, ce qui peut être un peu moins évident est qu’il en faut tout autant pour écrire ce genre d’histoire, et là se trouve un aspect riche du roman : sa forme. L’organisation de ce livre de 137 pages est d’une grande clarté. Il se découpe en 3 parties à peu près égales : d’abord une exposant les faits, puis la partie des témoignages où les suspects sont interrogés, et enfin l’heure des dernières questions et révélations dans la dernière partie. Un autre exemple édifiant de l’ordre qui organise la construction de l’ouvrage est la présence d’un chapitre dédié à un résumé de ce qui a été découvert et un autre dédié aux 10 questions auxquelles il faut encore répondre. Mentionnons également que chaque interrogatoire correspond à un court chapitre, de même que le corps de la victime et l’arme du crime possèdent aussi le leur.

 

Il pourrait alors être reproché à ce livre d’avoir une construction trop superficielle, ou que le lecteur n’apprenne à connaître que tardivement certains personnages dont l’interrogatoire est à plus de la moitié du livre. Toutefois, il doit être rappelé qu’il s’agit d’un roman policier et donc que cette construction claire vise à armer au mieux le lecteur pour élucider l’affaire. Il s’agit alors d’être attentif aux indices récoltés et aux pièges que Poirot tend aux suspects durant les entretiens. Agatha Christie offre ici une histoire permettant de se mettre plus que jamais à la place d’un enquêteur, et invite ainsi même les lecteurs amateurs du genre à prendre goût aux romans policiers grâce à cette composition savante.

 

 

Dénouement en apothéose, ou comment réussir à surprendre des lecteurs attentifs.

 

  Pour être tout à fait honnête il reste un point à aborder sur la forme, et qui concerne la conclusion : un lecteur attentif réussira toujours à construire au moins une hypothèse plausible, et là est l’intérêt du roman d’énigme, même s’il ne trouve pas la clef de l’affaire. Je précise bien le cas où on n’en trouve pas la clef, car même avec toutes les aides, tous les indices fournis, la surprise a de grandes chances d’être au rendez-vous. En effet, le dévoilement du mystère par le détective est toujours un instant décisif des œuvres d’enquête et Agatha Christie ne faillit pas au devoir d’en faire un grand moment, souvent surprenant mais toujours cohérent. Pour en finir avec la forme j’en viens donc à dire que ce roman est à la fois un exemple du roman policier et une invitation à découvrir le style d’Agatha Christie, avec cette résolution d’énigme emblématique.

 

 

Les adaptations, ou comment en apprendre plus sur l’œuvre

 

Difficile de faire une critique sur le Crime de l’Orient Express sans évoquer les différentes adaptations de l’histoire en film ou en épisode de la série Hercule Poirot avec l’illustre David Suchet dans le rôle principal. Mais concentrons-nous sur le plus récent des films, celui de 2017. Il faut bien avouer que sa bande-annonce met l’eau à la bouche avec d’agréables visuels et des grands noms présents, notamment Kenneth Branagh, Johnny Depp, Penelope Cruz, William Dafoe… le tout sur fond de Believer d’Imagine Dragons. Néanmoins, le film ne pourrait être que difficilement apprécié par quiconque connaissant déjà l’histoire ou ayant l’adaptation de David Suchet comme référence. En effet, on note dans ce film une tentative, bien vaine, de représenter Hercule Poirot presque de la même façon que Sherlock Holmes l’est comme incarné par Robert Downey Jr et Benedict Cumberbatch, Par cela, j’entends que le film de 2017 souligne trop les « manies » de Poirot décrites dans les romans, par exemple il n’apprécie pas l’asymétrie, mais est-ce pour autant essentiel d’en faire un gag introductif de plusieurs minutes sur la façon dont il mange ses œufs ? Et si mettre un simulacre de course-poursuite dans une œuvre Hercule Poirot relève déjà de l’étrange, ajouter à cela une scène de bagarre est aussi pertinent qu’une partie de Cluedo dans un Fast and Furious ! Pour faire simple : la bande-annonce vaut le détour, mais si vous voulez découvrir le personnage d’Hercule Poirot épargnez-vous la peine que représente ce film.

 

 

Un dernier point que je voudrais aborder au sujet de ce roman et qui en concerne aussi ses adaptations est le personnage même d’Hercule Poirot. Son adaptation la plus réussie est sans conteste celle de David Suchet qui en retranscrit la vanité occasionnelle, ainsi que son attachement aux bonnes manières et à la psychologie humaine, tous ces traits étant bien sûr décrits dans les romans et apportent une touche de couleur aux récits. Comme je l’ai déjà dit, le personnage d’Hercule Poirot n’est ainsi pas aussi étrange que Sherlock Holmes apparait à l’écran et cela le rend davantage humain, mais un homme méthodique.

 

 

 

Le Crime de l’Orient Express est donc un brillant roman d’énigme, pouvant même être considéré comme un modèle du genre. Et si vous aimez les astuces ou énigmes, sentez-vous libres de découvrir ou d’explorer encore davantage son univers. Alors, serez-vous son compagnon d’enquête ?