Aujourd’hui on change un peu de registre, ce ne sera pas une critique cinématographique mais bien littéraire. Avec la sortie de la saison 8 de GoT je me suis dit que c’était une bonne idée de vous parler d’une autre saga impliquant George R.R Martin. En effet, en plus d’écrire les GoT il est également à l’origine d’un univers partagé nommé Wild Cards.

 

Quand histoire et fiction fusionnent

 

Il s’agit d’une série de recueils dans lesquels sont compilées des nouvelles écrites par des auteurs différents dans un même univers. C’est ce qu’on appelle un « univers partagé », et le maître d’œuvre de celui-ci est George R.R Martin. Cet univers uchronique, qui introduit des évènements fictionnels au milieu d’autres évènements historiques, commence en 1946. Le monde y est très similaire au nôtre sauf lorsqu’un scientifique fou entre en possession d’un virus extraterrestre nommé Wild Cards et le déchaine sur la ville de New York. Ce virus tue 90% des personnes qu’il infecte, mais les 10% restants deviennent soit des super-héros, soit des monstres. Au moins il n’y a pas de demi-mesure. A partir de là, une nouvelle société se met en place avec ses nouveaux problèmes. Et c’est là que Wild Cards devient une uchronie : la plupart des événements historiques des années 50 sont repris d’une manière détournée et adaptée à l’univers. Par exemple la vague de maccarthysme aux Etats-Unis, une chasse aux sorcières contre les communistes, est reprise avec pour toile de fond la peur que les super-héros ne soient des communistes infiltrés. On y parle aussi de la guerre de Corée qui voit s’affronter les super-héros américains contre la Corée.

 

 

Une ambiance plutôt noire

 

A travers ses différentes nouvelles, Wild Cards explore des problématiques toujours plus sombres, faisant communiquer les histoires entre elles. On suivra ainsi les mésaventures de nombreux héros mais également d’un extraterrestre connaissant les propriétés du virus et voulant aider la terre : le Dr. Tachyon. Ce dernier est probablement le personnage le plus récurrent de ce premier recueil. Par ailleurs, le recueil se veut résolument adulte, il y a peu de place pour l’espoir dans ce nouveau monde; le sexe, la mort et les drogues sont omniprésents, les discriminations font partie de la vie quotidienne et la ségrégation des jokers, humains ayant obtenu des mutations délétères à la suite du virus, est normale. Ce livre laisse ainsi peu de place au happy ending et se concentre beaucoup sur l’aspect psychologique et les responsabilités liées à l’infection par le virus. On retrouve donc aisément dans les différentes nouvelles l’adage : « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » puisque les personnages seront souvent confrontés à des dilemmes moraux qui les mèneront à leur gloire ou à leur déchéance au fil des nouvelles.

 

Un univers uchronique bien maîtrisé …

 

Une des grandes réussites du livre est de lier les événements réels et imaginaires d’une manière on ne peut plus plausible. Il permet aussi d’aborder une partie importante de l’histoire des Etats-Unis : la Guerre Froide. Bien que des éléments impossibles, comme les héros, apparaissent, les conséquences de leur apparition sont vraisemblables et bien réfléchies. La trame du récit est elle aussi bien faite : il y a des références aux événements ayant eu lieu dans d’autres nouvelles, ce qui permet au lecteur de se plonger dans l’univers. On voit ainsi tout l’univers se construire sous nos yeux à mesure que l’on tourne les pages. Il s’agit donc d’un livre vivant et dynamique, sans véritable temps mort, et qui prend la peine d’explorer les situations les plus variées.

 

… mais qui peut manquer de saveur.

 

Ce que l’on peut attendre de ce genre d’œuvre regroupant des nouvelles, c’est la confrontation des styles de ses différents auteurs, qui en font un objet littéraire vraiment à part. Or, le reproche que l’on pourrait faire à cette œuvre est que, bien que les auteurs aient chacun leur propre style et leur propre vision de l’écriture, qu’ils aient même été primés pour cela, je trouve que l’on ne ressent pas assez la différence entre leurs styles respectifs. A part une ou deux nouvelles, notamment celles de Stephen Leigh ou George RR Martin qui parviennent à se distinguer, l’ensemble reste assez homogène. Il manque une touche encore plus personnelle dans la plupart des nouvelles, cela peut toutefois s’expliquer par la thématique imposée aux auteurs. L’univers des super-héros, bien qu’ici sombre et réaliste, n’est pas le genre de prédilection de tous les auteurs qui sont pour certains spécialisés en fantasy et pour d’autres en science-fiction.

 

Bilan

 

Ce livre ravira à n’en pas douter les amateurs de super-héros ou d’uchronie. Il est très impressionnant de voir autant d’auteurs talentueux se regrouper afin de créer leur propre univers. C’est une oeuvre à la qualité indiscutable, mais sortir certains auteurs de leurs thèmes de prédilection entraîne une certaine uniformisation des nouvelles, ce qui peut être regrettable. Wild Cards est donc le premier d’une série de 27 tomes, éditée pour la première fois en 1987; elle se poursuit jusqu’à aujourd’hui. Ma chronique est à présent finie : en tant que grand fan de super-héros je m’en vais me préparer pour la sortie d’Avengers : Endgame.