«Tu vas sortir?

-Oui, je ne rentrerai pas tard »

Cet extrait de dialogue, qui marque le début de l’intrigue de The Chaser, annonce également l’entremêlement de banalités et de surprises auquel sera confronté le spectateur.

En effet, ce dialogue n’a rien d’extraordinaire et nous montre pourtant que Mi-jin ne s’attendait pas à vivre tout ce que lui réserve le film.

 

 

 

 

 

 

L’histoire, ou un thriller réaliste du côté des malfrats.

 

Mais présentons clairement The Chaser : il s’agit d’un thriller coréen réalisé en 2008 par Na-Hong-jin. Pour l’histoire : nous suivons Jung-ho, ancien flic devenu gérant d’un réseau de prostituées dont les «employées» disparaissent les unes après les autres depuis quelques temps. Il croit d’abord qu’elles s’enfuient en gardant l’argent, puis s’aperçoit que le numéro de téléphone du dernier client est le même pour toutes celles disparues. Il cherchera donc à retrouver le coupable, mais il doit se dépêcher, l’une d’elles se rend justement chez ce sombre et dangereux individu.

 

J’ai précédemment évoqué un assemblage de «banalité et de surprise», cela peut paraître un peu étrange mais on le comprend facilement lors du visionnage car ces deux traits s’unissent pour créer l’aspect réaliste du film. The Chaser surprend légèrement parce qu’il nous choisit un proxénète pour protagoniste mais les événements importants de l’histoire n’impressionnent que bien peu. Le film paraît nous raconter davantage un fait divers macabre qu’une histoire terrorisante ou envoûtante. Alors ? Faut-il pour autant reprocher à cette production de ne pas être assez sensationnelle ?

 

 

L’ambiance, ou commencer fort pour ensuite lentement progresser.

 

 Pour comprendre exactement ce que réussit ce film il faut avoir en tête que tout découle de sa recherche de réalisme. Tout d’abord, le film peut s’enorgueillir de capter l’intérêt du spectateur et de le plonger dans son ambiance dès le début. Cela commence par les lumières, la nuit omniprésente et les faibles éclairages; tout est sombre et le restera. Mais ce sont les dialogues du début qui jouent le rôle le plus puissant dans la composition de l’atmosphère. D’abord ils paraissent violents, crus, on est propulsé dans ce monde sordide de prostitution aux côtés d’un bandit antipathique, puis l’œuvre nous donne le temps de nous habituer à cette agressivité perverse. Apparaît ensuite la violence physique, quelques coups sont distribués et après une scène soulignant la peur que ressent Mi-jin, la brutalité monte d’un cran : de simples outils rouillés, des ciseaux et un marteau, un meurtrier.

 

On descend donc lentement aux enfers, l’horreur allant crescendo. Pourtant on ne détourne pas les yeux, on ne sursaute pas. On n’approuve pas ce que l’on voit, bien loin de là, mais le film nous prépare à ce qu’il nous impose. Peu à peu se construit une cohérence solide, avec des personnages faits de chair et de sang et non pas de clichés ou de versions idéalisés, ils sont dirigés par leurs intérêts et non par des besoins scénaristiques.

 

Toutefois, ce qui fait la force du film constitue aussi sa faiblesse. The Chaser n’a pas l’air d’un grand film. Peut-être que son scénario pourrait vous étonner si vous appreniez cela comme une histoire vraie, mais en tant qu’œuvre cinématographique cela n’a rien d’époustouflant. Il faut également reconnaître que quelques scènes frisent le ridicule, tant les moyens mis en œuvre contrastent avec ce qui est filmé, notamment la lutte qui résulte de la course-poursuite où le dessein n’est clairement ni proposer une image esthétique ni un affrontement impressionnant. Et là se trouve un problème dû aux choix du film, les personnages n’accomplissent rien d’incroyable.

 

Les personnages, ou comment consommer les émotions avec modération.

 

La plupart des protagonistes ne donnent cependant pas le sentiment de vivre une situation anormale. Le meurtrier déploie aussi peu d’effort pour tuer que les scénaristes pour ses répliques, et le héros du film, quant à lui, ne semble être que peu préoccupé par le sort de son employée. Il faudra attendre la scène finale pour que celui-ci soit enfin touché par la gravité des événements et ait l’air réellement enragé. Malheureusement trop peu de temps lui est accordé et de trop petits enjeux lui font face pour qu’il soit marqué d’une évolution importante entre le début et la fin du film. Malgré le jeu d’acteur de Kim Yoon-seok, qui sert donc très bien notre héros, on regrette qu’il ne puisse rien accomplir de grand.  Le seul personnage dont l’émotion transparaît jusqu’à l’autre côté de l’écran est Mi-jin qui parvient à communiquer l’horreur de sa situation sur chaque plan. Mais il ne s’agit malheureusement que de quelques courtes scènes entrecoupées de longs moments d’enquête et de chasse à l’homme de notre proxénète Jung-ho. Quant à la police : elle fait acte de présence. Plus sérieusement, son incompétence et son impuissance sont clairement dénoncées, ne pouvant arrêter quelqu’un ayant avoué 9 meurtres et lui ayant menti, mais c’est un groupe de personnage qui ne raconte rien d’autre, dommage pour un thriller d’enquête et de suspense.

 

 

Ainsi pris dans sa visée réaliste, The Cahser se prive donc non seulement de proposer des éléments spectaculaires mais se refuse également à montrer une réelle évolution de ses personnages. L’histoire se tient malgré tout et parvient à conserver notre attention mais sa volonté de réalisme cantonne le film à cela.