Journal d’un corps, du brillant Daniel Pennac, est exactement ce que son titre indique, et tellement plus à la fois. Le principe est simple : le narrateur se prend lui-même pour sujet et s’efforce de noter une multitude d’observations concernant son corps et ses limites. Parfois les entrées sont très courtes, très succinctes et médicales. Parfois elles sont plutôt crues, et teintées de vérité. Mais la plupart du temps, ce journal dépasse la seule corporalité et devient l’échappatoire des pensées d’un narrateur qui a beaucoup à dire.

 

 

On assiste au récit d’un enfant élevé par des parents présents seulement physiquement, et qui jusqu’à ses 13 ans, ne vit qu’au travers de son esprit, délaissant totalement ce corps encombrant qui est le sien. L’épisode traumatique et humiliant des fourmis envahissant son corps et le laissant impuissant face à lui-même agit comme un électrochoc. C’est le point de départ de ce journal, avec un narrateur qui jure qu’il n’aura « plus jamais peur », de lui ou du reste.

 

 

Commence alors une vie de conquête de soi pour cet adolescent qui devient homme, et qui écrira son déclin aussi bien que ses victoires sur la vie. Chaque entrée est une surprise, une nouvelle révélation du sujet à l’observateur, du corps à l’esprit. Chaque surprise résonne chez le lecteur, lui arrache un sourire ou l’incite seulement à prendre un instant pour penser à ce corps qui nous est tous étranger, et que l’on croit pourtant si bien connaitre…

 

 

Choisissez au hasard une entrée pour découvrir les pensées d’un homme sur ses muscles, ses maladies, ses pulsions, sa vie. Ou lisez-le tel un roman, d’une traite, en laissant les mots de cet enfant vous transporter jusqu’à l’heure de sa mort.

 

 

 

 

« 13 ans, 1 mois, 2 jours
Je l’ai fait ! Je l’ai fait ! J’ai fait tomber le drap de mon armoire et je me suis regardé dans la glace ! JE ME SUIS REGARDE ! C’était comme si je me voyais pour la première fois. Je suis resté très longtemps devant le miroir. Ce n’était pas vraiment moi à l’intérieur. C’était mon corps mais ce n’était pas moi. Ce n’était même pas un camarade. Je me répétais : Tu es moi ? C’est toi moi ? Moi, c’est toi ? C’est nous ? »

 

Journal d’un corps, Daniel Pennac, Gallimard 2012
(version illustrée : Manu Larcenet, Futuropolis 2013)