Nom d’origine: Boku dake ga inai machi 

 

Auteur : Sanbe Kei

 

Année : 2013 (manga) / 2016 (anime)

 

Type : Seinen

 

Résumé

          Le manga suit l’histoire d’un homme d’une trentaine d’année qui semble avoir tout raté. Si cette première présentation ne vous met pas l’eau à la bouche, rassurez-vous, la trame ne s’arrête pas là. Satoru Fujinuma est un livreur de pizzas qui rêve de devenir mangaka, mais qui peine à réaliser cette aspiration professionnelle. Son caractère introverti et quelque peu passif n’arrange pas les choses, ce qui fait de lui un archétype parfait de l’anti-héros. Mais que serait un anti-héros sans un pouvoir surnaturel ? Satoru a en effet la possibilité, on ne sait comment ni depuis quand, de remonter le temps à chaque fois qu’une tragédie se produit autour de lui. Après avoir empêché un accident de la route, Satoru se retrouve à l’hôpital et reçoit la visite de sa mère, qui lui rappelle quelques souvenirs d’enfance plutôt sombres. Les événements s’enchainent rapidement à partir de cet instant de sorte à ramener Satoru 18 ans en arrière. La question est : quelle tragédie doit-il contrer cette fois-ci ?

 

Personnages

        Fujinuma Satoru, le personnage principal, a beau être considéré comme un perdant dans notre société actuelle, mais ce n’est pas pour autant qu’il n’a aucune ambition, ni aucune conviction. Son pouvoir éveille des qualités insoupçonnées en lui qui lui permettent de surmonter ces étiquettes qui lui collent à la peau. En effet, Erased nous met dès les premiers instants dans la peau d’un homme de 29 ans qui semble déjà avoir perdu tout espoir en lui-même. Son rêve est de dessiner des mangas, mais il ne parvient pas à vendre ses créations. À première vue, on aurait tendance à le trouver passif, il ne réagit à rien et passe sa vie à ressasser les mots « voilà ce que j’aurais dû faire », pas dans le sens d’un regret, mais plutôt d’une excuse. Par la suite (et heureusement pour nous d’ailleurs), il apprendra à dépasser cet état de passivité pour laisser transparaitre sa personnalité et tout ceci grâce à son corps d’enfant, qui lui permettra de retrouver cette innocence qui nous pousse à croire que tout est possible.

 

        Fujinuma Sachiko, la mère de Satoru, est une des seules personnes qui croient toujours en Satoru et qui voient au-delà de ses échecs. C’est une femme très perspicace qui arrive à cerner les gens en quelques instants. Elle complète ainsi la personnalité de Satoru car son caractère est l’extrême opposé de celui de son fils. Ce qui me fait doucement rire, c’est qu’elle a réussi à résoudre toute l’intrigue de l’histoire en quelques minutes dès le premier épisode, mais le manga fait en sorte de faire basculer la charge de l’enquête sur les épaules de Satoru.

 

         Je suis globalement impressionnée par le panel de personnages qui sont dépeints dans Erased. Et pour cause, c’est la première fois que je vois autant de générations s’entremêler dans une histoire, sans qu’une ne soit moins importante que les autres. C’est de cette façon que je me suis rendu compte que chaque personnage a un rôle important à jouer dans le scénario, chacun apporte son petit grain de sel pour bâtir une histoire logique et cohérente.

 

Évaluation

           Boku dake ga inai machi est un manga perspicace, notamment parce qu’il arrive à mettre en valeur le manque de perspicacité du personnage. Selon moi, Satoru a perdu son innocence car il se rend compte progressivement qu’elle n’est pas compatible avec le monde humain. Cependant, au lieu de devenir une personne mature et sensée, il se renferme et s’isole de la société au point de devenir une coquille vide. La preuve de ce que j’avance réside dans le fait qu’il ne perçoit pas les nuances de la vie, il voit le monde comme un schéma manichéen où le mal est censé être puissant et perceptible et le bien clairvoyant et omnipotent. C’est pour cela qu’il ne réagit pas lorsque ses proches tentent subtilement de percer sa carapace, et c’est aussi pour cette raison qu’il a été incapable de percevoir une tentative d’enlèvement pédophile lorsque son pouvoir s’est manifesté, parce que tout semblait normal, le mal était tout simplement dissimulé et latent. Satoru est donc une personne déprimée par son incapacité à faire le bien absolu grâce à son pouvoir, il a compris à ses dépens que pour empêcher les accidents de survenir, il devait soit en provoquer d’autres, soit se mettre lui-même en danger. Mais il agit malgré cette frustration, et c’est là qu’on voit qu’Erased est avant tout une histoire pleine d’espoir.

 

       Je trouve l’animé très poétique et esthétique. Le style est net, précis et plutôt relaxant malgré les thèmes graves et sérieux qui sont abordés dans l’histoire. Vous seriez aussi surpris par l’omniprésence de la neige, puis cette surprise s’estompera quand vous comprendrez toute la logique qu’il y a derrière ce symbole. Neige se dit « yuki » en Japonais, mais ce mot signifie également courage. Satoru s’aventure peu à peu dans ce que représente la neige pour empêcher l’une des plus grandes tragédies de sa vie. Ce qui m’émeut autant que la beauté visuelle est la justesse des paroles des personnages. En regardant une seconde fois le premier épisode pour pouvoir vous concocter cet article, j’ai réalisé que chaque réplique avait du sens, que chaque mot était une pièce de puzzle qui permettait d’entrevoir la logique implacable dont fait preuve la trame scénaristique et la composition des personnages, des lieux, des symboles, du manga dans son intégralité.

 

 

 

          Malheureusement, je ne sais pas comment m’arrêter d’écrire. Comparé aux deux mangas que je vous ai présentés auparavant, celui-ci mérite le plus d’attention et de concentration, je pourrais en parler pendant des heures entières. Au final, je me suis demandé un peu naïvement pourquoi le manga s’appelait Erased. J’ai mis au point trois possibilités : Erased parce que l’âme de Satoru a disparu dans une épaisse carapace au fur et à mesure qu’il grandissait, Erased parce qu’un des personnages principaux a subitement été effacé de la surface de la terre, Erased parce que Satoru a l’opportunité de gommer les erreurs et les tragédies passées.