Dire que l’on attendait ce film comme le messie ne serait en réalité qu’un euphémisme. Et pour cause, Infinity War avait dépassé toutes les attentes du public en terme d’action, d’humour et de drama. Face à cette horde de fans désireux de voir le miracle se reproduire, les frères Russo et les Studio Marvel n’avaient donc qu’une très faible marge de manoeuvre. On saluera les efforts de la production pour éviter les spoils : certains acteurs auront dû tourner plus de 5 fins différentes – autant de précautions destinées à éviter un nouveau Mark Ruffalo Gate (Hulk / Bruce Banner).

 

 

Climax mon amour

Commençons par le commencement : Endgame débute sur un cold opening très bien senti dans lequel Hawkeye voit disparaître toute sa famille. Pour Clint Barton, le message est clair : lui qui souhaitait se retirer des Avengers pour se consacrer à sa famille se retrouve touché de plein fouet par les projets de Thanos. Cette scène montre son appartenance immuable aux Avengers et permet de replonger efficacement le spectateur à la fin d’Infinity War. Ce sera d’ailleurs un plaisir de retrouver nos héros dans ce qui semble être une sorte de prologue. On regrettera simplement cet embouteillage de climax voué à créer de l’enjeux de manière totalement artificielle. En effet, à quoi cela sert-il de faire pleurnicher Tony Stark dans son vaisseau pour le faire secourir littéralement 2 minutes après par notre très respectable, mais sacrément cheatée, Captain Marvel. Même chose pour Steve Rogers qui lachera, dans un élan de dévergondage, “On va aller s’faire ce fumier”, avant que n’émerge le logo et le thème musical d’Avengers sur écran noir. En spectateur déjà impliqué dans l’histoire, on serait tenté de croire que la suppression Thanos sera alors l’enjeux essentiel du film… C’était sans compter le seum de Thor qui étouffera l’intéressé avec son bide à bière… mmh non autant pour moi.

Malgré cet effet d’annonce un peu raté, la mort surprise de Thanos permet au film de se créer de nouveaux enjeux : on sait dès lors qu’Endgame ne sera pas la redite d’Infinity War.

 

 

“Bring Me Les Scénaristes”

Parlant d’enjeux, ce film s’en est peut être trop donné. Les scénaristes ont tenté de mettre en avant l’histoire personnelle de chaque personnage, une initiative louable mais limitée en raison du nombre trop important de backgrounds à traiter. À part Iron Man, Hawkeye et Captain America, l’ensemble des héros bénéficient d’un traitement trop superficiel pour susciter l’intérêt du spectateur.

Cette problématique reste toutefois dérisoire face aux grands défauts du film. Endgame souffre tout d’abord de facilités scénaristiques assez visibles, notamment au niveau du voyage temporel. Certes, Tony Stark est un génie mais cela ne peut justifier la vitesse à laquelle il parvient à mettre au point sa machine à voyager dans le temps… Comparez avec Iron Man 1 : il lui faudra plus de temps pour concevoir sa première armure que pour construire la machine. Dans cette même catégorie “Tu comprends pas, Tony Stark est trop un génie”, on notera cet habile tour de passe-passe qui lui permettra de dérober les 6 pierres d’infinité à Thanos sans lui enlever son gant – à croire qu’il prenait des cours de prestidigitation en secret… Enfin, comment se fait-il que la Nébula de 2014 diffuse par erreur la discussion entre James Rhodes (War Machine) et la Nébula de 2023 ? La seule explication mise en avant par le film est celle d’une “connexion” innée entre les deux Nébula, ce qui n’explique pas pourquoi son projecteur intégré se déclenche pour retransmettre le seul échange compromettant des Avengers depuis leur arrivée en 2014.

De grosses incohérences nuisent également au ressenti général, notamment à la fin du film. La première concerne la façon dont Steve Rogers réapparaît en 2023 après avoir ramené les pierres dans leur temporalité d’origine. Le Professeur (dans les comics, fusion de Hulk et Bruce Banner) nous explique clairement qu’un changement dans le passé ne peut influer sur le présent, ce qui implique que chaque temporalité est indépendante. Or, quand Steve Rogers réapparaît en 2023 sous forme de vieillard (sans passer par la machine), cela sous-entend qu’il a vieilli jusqu’en 2023, et donc qu’il existe un lien entre la temporalité passée et présente. Il faut quand même saluer la place minime réservée au voyage dans le temps : l’histoire d’Endgame n’est pas basée sur un lien de cause à effet entre passé et futur, ce qui contribue déjà à préserver le scénario dans son ensemble.

La seconde incohérence majeure porte sur la puissance décidément très aléatoire de Thanos. Dans Infinity War, on se souvient de son combat contre Iron Man sur Titans – il possédait alors 5 pierres sur 6. Le fait est qu’il paraît plus puissant sans aucune pierre contre Thor, Iron Man et Captain America, qu’en 1V1 avec 5 pierres (dont la pierre de pouvoir). Qu’en conclure ? Que les scénaristes étaient manifestement obligés d’adapter la force du personnage pour ne pas tuer le match.

 

 

Lovers gonna love

Est-ce malgré tout une raison pour bouder son plaisir ? Si vous êtes des habitués du MCU, vous savez que la plupart des films Marvel sont basés sur de grosses ficelles de ce genre-là, qu’il s’agit presque d’une marque de fabrique. Marvel assume entièrement sa fonction de d’entertainer, au sens propre du terme : le but premier du MCU n’est pas de présenter une oeuvre d’art mais de vendre du fun. En ce sens, Endgame a brillamment atteint ses objectifs. De manière paradoxale, c’est aussi le seul film Marvel à s’éloigner des standards du blockbuster. Avec un prologue, des péripéties, une bataille finale et un épilogue très solennel, les scénaristes se sont donnés les moyens de structurer solidement le développement de leur film. Compte tenu de l’engouement suscité chez le public, il aurait d’ailleurs été risqué de proposer aux fans un film Marvel sans aucune originalité. Les frères Russo, en connaissance cause, ont donc souhaité voir les choses en grand pour clore la Phase 3. Le résultat est tout à fait louable compte tenu des 3 heures tout à fait digérables qu’Endgame propose.

Côté action, les scènes de combat sont toujours aussi impressionnantes d’inventivité pour combiner les pouvoirs de nos différents héros. À vrai dire, on en aurait souhaité davantage…

 

 

Ce manque d’action trahit d’ailleurs l’architecture globale du diptyque Infinity WarEndgame ; le premier, plus épique et grandiose, vise à assurer le show, tandis que le second propose un regard rétrospectif sur la saga pour clore la 3e phase. Endgame est donc loin d’être parfait, mais il gagnerait à être jugé dans la durée car certaines de ses qualités s’éloignent sensiblement des blockbusters et du plaisir immédiat qu’ils procurent.