Que diriez vous de vous plonger dans un monde aussi enchanteur qu’époustouflant ? Dans ce nouvel article, laissez moi vous embarquer dans l’univers de Hayao Miyazaki que j’affectionne particulièrement. Le Voyage de Chihiro fait partie, selon moi, des plus grands chefs-d’œuvre du Studio Ghibli, tant au niveau de l’animation que de l’intrigue.

Ce film a d’ailleurs été jusqu’en 2020 le plus grand succès de l’histoire du cinéma japonais. Et pour cause, il est capable de nous séduire par sa beauté et son histoire touchante, tout en faisant passer un message complexe et engagé.

 

Cet article contient certains « spoils », je vous conseille donc de regarder le film avant de le lire !

Un film d’animation stupéfiant

Le voyage de Chihiro est un film qui a su marquer les esprits notamment par la beauté de son animation, et son univers fantastique. En effet, Miyazaki est un maître dans l’art de mettre en images des plans, des créatures, des décors et des personnages qui nous donnent l’impression de contempler un rêve éveillé.

Il est d’ailleurs important de souligner la qualité de l’image, puisque pour rappel le film est sorti en salles en 2001. La prouesse de Miyazaki se remarque dans les moindres détails. Les décors, les créatures et les dieux, inspirés du folklore japonais sont représentés par des couleurs vives et chaudes, qui attirent notre regard et nous émerveillent.

D’ailleurs, le point fort du film est, d’après moi, l’étendue des catégories de créatures et de dieux que l’on peut apercevoir dans le film. Toutes les créatures ont une identité visuelle propre et reconnaissable, comme les travailleurs grenouilles, les Yuna (servantes des bains) ou encore Kamajî et son armée de boule de suie. En plus d’être développées d’un point de vue artistique, chaque créature jouera un rôle dans le périple de la jeune Chihiro.

Enfin, ce qui marque aussi la splendeur de ce film est sa bande sonore. Les musiques du film sont un réel atout pour nous transporter dans l’histoire. Elles permettent de décupler nos émotions et d’installer une ambiance grâce aux différents rythmes qu’elles imposent : lent, rapide, joyeux…Cette prouesse est signée Joe Hisaishi, qui a d’ailleurs composé la plupart des bandes originales des films Ghibli.

Ainsi, ce film est une véritable réussite, tant du point de vue de l’animation que des images et de la musique. Mais ce qui en fait un film marquant, et aussi l’un de mes préférés, est son histoire aussi touchante que sophistiquée.

Une intrigue marquante et intriguante

Si l’histoire de Chihiro est si remarquable, c’est parce que le spectateur du film est lui aussi plongé dans un univers merveilleux, qui se trouve de l’autre côté d’un tunnel. En effet, l’intrigue débute sur Chihiro et ses parents qui déménagent à la campagne.

Après s’être engouffrée dans la forêt en recherchant leur nouvelle maison, la famille Ogino fait face à un tunnel étrange mais qui attire la curiosité. Les parents de Chihiro semblent attirés par ce que cache ce tunnel, mais Chihiro, encore jeune et peureuse, refuse de s’y aventurer. En traversant ce tunnel, il n’y découvre rien de très particulier, si ce n’est un village qui ressemble selon le père, à un parc à thèmes abandonné.

Cependant, pour Chihiro, cette petite escapade vire au cauchemar lorsque ses parents se transforment en cochon après avoir englouti sans retenue la nourriture d’un restaurant. Le village qui semblait sans vie, se retrouve alors habité par des esprits la nuit tombée. En effet, ce fameux village est dominé par le bâtiment des bains publics, un lieu où les esprits viennent se reposer. À ce moment-là, Chihiro, seule et encore bouleversée par la transformation de ses parents, fait face à un univers déroutant et étrange.

 

Une histoire semblable à un conte merveilleux

Dans sa forme, l’intrigue peut nous faire penser à d’autres histoires assez similaires, où le héros, encore jeune et candide se retrouve plongé dans un univers parallèle, qui renferme un monde peuplé de magie. Aussi, Alice au pays des merveilles, Harry Potter, Narnia… sont des univers fantastiques cachés derrière un simple passage comme un trou dans le sol, le mur d’une gare ou encore une armoire. Le personnage vivra dans cet univers des aventures et des péripéties qui lui enseigneront des valeurs fondamentales telles que l’importance de la famille ou de l’amour.

Ainsi, Miyazaki n’a pas choisi d’appeler son film Le Voyage de Chihiro par hasard. Nous comprenons dès le titre que cette histoire est un rite initiatique. Si au début de l’histoire, Chihiro est une enfant encore naïve et maladroite, elle ressortira grandie et plus mature de cette aventure extraordinaire.

Des personnages déroutants et attachants

Pourtant, Chihiro n’affronte pas les différents pièges et obstacles de ce périple seule. Elle croisera sur sa route de nombreux personnages aussi excentriques qu’attachants. De plus, les créatures les plus importantes de cet univers folklorique incarnent une figure familiale pour Chihiro. Aussi, Chihiro appelle les jumelles Yubâba et Zenîba ‘grand-mère’, le vieux Kamajî représente le ‘grand-père’, Rin la figure maternelle ou la grande sœur et Haku l’amour protecteur.

Ces personnages sont comme des guides dans le voyage de la jeune Chihiro et chacun va lui apporter son aide à sa façon. Cependant, ils sont tellement présents dans l’histoire qu’il est dommage que nous ne puissions pas en connaître davantage sur leur passé. En effet, le vieux Kamajî est certainement l’une des créatures les plus attachantes des bains, et plusieurs questions subsistent à son sujet : pourquoi travaille-t-il aussi durement depuis quarante ans ? Comment est-il devenu l’esclave de Yubâba ? Pourquoi n’a-t-il jamais utilisé ses tickets de train ?  L’histoire est tellement dense qu’il est impossible de développer tous les détails scénaristiques, ce qui est parfois assez frustrant…

Pourtant, Miyazaki réussit parfaitement à les rendre attachants, et c’est pourquoi la tristesse nous envahit à la fin du film, lorsque nous comprenons que Chihiro quitte définitivement ce monde merveilleux.

Une réelle critique de notre société

La partie la plus intéressante de ce film est très certainement le deuxième niveau de compréhension. En effet, si nous nous arrêtons au premier niveau de compréhension, nous restons dans une perception du film assez « enfantine ». Et pour cause, les films de Miyazaki ont aussi pour but de plaire aux enfants et de faire passer un bon moment à tout le monde, sans prise de tête sur la signification plus profonde du film.

Néanmoins, l’une des critiques assez évidentes que Miyazaki peint dans ce film est sans doute la critique de la société capitaliste et consumériste. Celle-ci apparaît sous plusieurs aspects. Dès le début du film, les parents de Chihiro se retrouvent transformés en cochon après s’être gavés de la nourriture destinée aux esprits. Le cochon est le symbole du capitalisme, mais surtout de la consommation de masse, puisque c’est un animal qui se goinfre constamment, sans se soucier de la provenance de la nourriture. De plus, les parents de Chihiro justifient leur impolitesse en prétextant que dans tous les cas, ils pourront payer.

La société capitaliste est notamment imagée dans les bains. Yubâba, la dirigeante, est une sorcière cupide, en besoin constant d’agent, sans se soucier du travail éreintant de ses employés. D’ailleurs, plus tard dans l’intrigue, nous remarquons que tous les employés des bains sont avides d’argent.

Mais la créature qui incarne parfaitement le capitalisme est le « Sans visage ». En effet, il est capable de créer de l’or, et il est possible de faire le parallèle avec la « main invisible » du marché d’Adam Smith. Il sera donc traité comme un véritable Dieu par les employés des bains, qui n’hésitent pas à se jeter à ses pieds et à récurer le sol pour récupérer la moindre pépite d’or. Finalement, des employés se font engloutir par le « Sans visage ». Miyazaki veut certainement nous faire comprendre que le capitalisme est une créature qui peut nous donner ce que nous souhaitons si nous travaillons dur, mais elle finit aussi par nous dévorer.

 

L’importance de l’identité

Chihiro, encore jeune est innocente, se retrouve violemment plongée dans ce monde impitoyable. Haku lui annonce que malgré son âge, elle va devoir travailler si elle ne veut pas disparaitre. Alors, prenant son courage à deux mains, elle décide d’aller rendre visite à la sévère Yubâba pour lui demander du travail. À ce moment-là, nous sentons que Chihiro a franchi un cap : l’enfant qui tenait la main de sa mère au début de l’histoire, va devoir apprendre à se débrouiller seule pour survivre, quitte à faire les taches les plus ingrates.

L’une des critiques les plus intéressantes que fait Miyazaki du capitalisme est sans doute la perte d’identité. En effet, lorsque Chihiro signe son contrat de travail, Yubâba fait disparaître de son esprit son nom et lui annonce qu’elle s’appellera « Sen ». De même, nous apprendrons plus tard dans le film que Haku aussi ne connaissait plus son véritable nom. Miyazaki souhaite montrer que le capitalisme entraine une perte de notre identité et pousse les travailleurs à devenir l’engrenage d’une machine. Ainsi, en perdant son nom, Chihiro devient elle aussi l’esclave de ce système éreintant et implacable.

La volonté de transmettre un message engagé

Pourtant, Miyazaki n’a pas imaginé Le voyage de Chihiro comme une simple critique de la société capitaliste. Il souhaite aussi nous faire passer un message engagé. Le réalisateur japonais déplore la perte de la spiritualité et de l’art dans cette société où seul le travail et l’argent font la loi.

Le choix de dédier les bains publics aux esprits et aux dieux n’est pas anodin, car pour Miyazaki, ces derniers doivent avoir une place essentielle dans notre quotidien. Aussi, Haku est l’incarnation de la rivière et lorsque nous le voyons se transformer en dragon, nous pouvons contempler le côté artistique et spirituel de la nature.

Mais l’un des thèmes récurrents dans les films de Miyazaki est celui de l’environnement et de sa protection. En effet, premièrement, l’animation des films Ghibli est une véritable ode à la nature et à sa beauté. Ensuite, des films comme Pompoko ou La Princesse Mononoké place la nature au centre de l’intrigue.

La nécessité de se recentrer sur l’environnement et la spiritualité

Dans Le Voyage de Chihiro, Miyazaki nous fait prendre conscience que notre mode de consommation détruit cette beauté originelle de la nature. La scène avec l’esprit putride est assez explicite sur ce sujet. En raison de son apparence répugnante et de son odeur pestilentielle, cet esprit énigmatique qui entre dans les bains est considéré comme un esprit putride.

Pourtant, Chihiro réussit à lui retirer ce qui le faisait souffrir, et nous constatons qu’il contenait divers objets et biens humains comme des vélos ou des frigos. Nous remarquons alors que cet esprit est finalement magnifique et que c’est l’esprit de la rivière. Miyazaki souhaite nous montrer que nos biens de consommation finissent par gâcher la nature.

Cependant, après une analyse de tous les détails, nous pouvons en déduire que Miyazaki ne prône pas l’anéantissement du capitalisme. D’une part, la scène où Chihiro se trouve dans le train à côté du « Sans visage » peut nous laisser penser que le capitalisme est important pour l’économie, mais il ne faut pas pour autant délaisser la spiritualité, l’art et la nature. D’ailleurs, Zenîba, la jumelle de Yubâba, a décidé de vivre à l’écart de l’écosystème capitaliste des bains. Elle représente donc ce côté artistique et spirituel, et c’est elle qui va décider d’adopter le « Sans visage » pour lui enseigner son art et son mode de vie proche de la nature.

Que retenir à la fin de ce voyage ?

Finalement, Chihiro ressort plus grandie et plus forte que jamais de cette aventure unique et extraordinaire. Nous comprenons alors que l’important est, non seulement de conserver la nature et notre spiritualité, mais aussi la famille. En effet, le dernier obstacle dont fait face Chihiro nous fait prendre conscience que la famille est un élément essentiel de notre vie. D’ailleurs, Yubâba elle-même se rend compte que son enfant est plus important que tout l’or du monde.

En conclusion, Le voyage de Chihiro est pour moi un classique des films d’animation. Il est capable d’envouter les plus jeunes comme les adultes par sa beauté et sa morale qui nous pousse à la réflexion. Alors n’hésitez plus et embarquez avec Chihiro pour un voyage merveilleux et touchant !

Maitena