Vous avez sûrement entendu parler au cours des dernières semaines, aussi bien dans la presse que sur les réseaux sociaux, d’un certain joueur d’échecs qui aurait utilisé un plug anal pour tricher. Le suspect est bien Hans Moke Niemann, un prodige américain de 19 ans qui s’est imposé face au champion du monde en titre Magnus Carlsen lors d’une partie disputée le 4 septembre dans le cadre de la Sinquefield Cup, un prestigieux tournoi annuel disputé à Saint Louis, aux Etats-Unis. Un pas dans cette histoire qui secoue le monde échiquéen, afin d’expliquer ce que vous avez pu lire à son sujet.

Là où tout a commencé.

La Sinquefield Cup est un tournoi très attendu tous les ans, car il réunit 10 des meilleurs joueurs du monde. Cette année n’était pas différente : 8 joueurs sur 10 étaient dans le top 10, avec en tête de liste Magnus Carlsen, champion du monde en titre et potentiellement le meilleur joueur de tous les temps.

Cependant, ce nombre est tombé à 7 après qu’un joueur ait déclaré forfait une semaine avant le début du tournoi : c’est dans ces circonstances que Hans Niemann se retrouve invité à jouer, alors qu’il n’est à ce moment-là classé ‘que’ 49e mondial. Mais rien n’aurait pu le préparer à ce qui allait suivre.

Un départ explosif suivi d’un coup de tonnerre.

Après les deux premières rondes, le prodige créé la surprise, avec un score inattendu de 1.5/2. Tous les regards sont donc tournés vers lui, alors qu’il s’apprête à affronter le champion du monde avec les pièces Noires [note : aux échecs, à très haut niveau, le joueur qui joue avec les pièces Noires se trouve souvent dans une position défensive face au rythme imposé par les Blancs qui commencent la partie] lors de la troisième ronde. C’est à ce moment-là que le tonnerre frappe : Hans Niemann s’impose en 57 coups après une partie très compliquée. Un exploit, certes, d’autant plus que c’était la première fois que les deux joueurs s’affrontaient en partie classique [note 2 : une partie dite ‘classique’ fait référence à une partie en temps long, qui dure souvent plusieurs heures].

Le lendemain, un coup de foudre : Magnus Carlsen annonce dans un Tweet énigmatique qu’il se retire du tournoi. Une première historique. Le tweet est accompagné d’une vidéo d’une citation de José Mourinho : « If I speak I am in big trouble », qui a laissé la porte grande ouverte aux interprétations.

Les accusations tombent, mais Niemann se défend.

Il faudra attendre le 26 septembre, soit 22 jours après la partie, pour que Magnus Carlsen publie sa déclaration, dans laquelle il accuse officiellement Hans d’avoir triché. C’est dans ce laps de temps que les théories les plus folles se sont développées, y compris celle du fameux plug anal, relayée notamment par Elon Musk sur Twitter.

Notons qu’au moment de cette publication, Niemann avait avoué dans une interview avoir triché en ligne lorsqu’il avait 12 et 16 ans, sans argent en jeu, mais aussi et surtout « jamais en présentiel ! ». Ses propos se retrouvent très vite contestés par un rapport de 100 pages publié par Chess.com, le géant des échecs en ligne, qui semble montrer que Niemann aurait triché plus de 100 fois, y compris dans des tournois avec de l’argent en jeu.

Le temps passe, et Hans sort enfin du silence, avec un procès ‘historique’. Le procès, qui a été depuis critiqué pour sa structure et sa méthode bancale, accuse Magnus Carlsen, Play Magnus Group (une plateforme d’échecs en ligne), Chess.com ainsi que Hikaru Nakamura [note 3 : en plus d’être un des meilleurs joueurs du monde, Hikaru Nakamura est devenu le premier streamer d’échecs sur Twitch. Il a plus ou moins directement accusé Hans d’avoir triché en se basant seulement sur des suspicions] d’avoir « ruiné son image, sa carrière, et potentiellement son avenir ». Montant total demandé par Niemann : 100 millions de dollars ! Affaire à suivre…

Et dans le futur ?

Ce scandale, en plus d’être une première historique, a remis en avant un thème sensible dans le monde des échecs : la triche. Bien qu’il soit de plus en plus facile de repérer les tricheurs en ligne, l’affaire s’avère bien plus complexe quand on parle de parties en présentiel. En effet, repérer des tricheurs en ligne n’est plus un problème, cela pouvant se faire en quelques secondes dans les cas les plus évidents.

Pour les parties en présentiel, à moins d’avoir des preuves concrètes que l’individu triche (photos, vidéos,…), il est quasiment impossible de condamner quelqu’un pour triche, et c’est ce qui ralentis et décrédibilise les accusations de Magnus Carlsen, même s’il a été soutenu par beaucoup d’autres joueurs professionnels.

Conclusion

Qui aurait cru que les échecs pouvaient prendre de telles proportions ? En attendant le dénouement de ce scandale fascinant, je vous invite à trouver un.e pote, un plateau, et à vous essayer aux échecs à votre tour !