Que peut-il y avoir de pire qu’une profonde injustice lors d’un procès ? Que peut-il y avoir de pire qu’être accusé d’un crime que l’on n’a pas commis ? L’excellente mini-série « Dans leur regard », sortie sur Netflix en 2019, retrace parfaitement l’affaire « Central Park Five », 30 ans après les faits.

Cette affaire a secoué les Etats-Unis dans les années 90, puisque cinq garçons, à l’époque âgés entre quatorze et seize ans ont été injustement accusés en 1989 d’un viol et d’une agression qu’ils n’ont pas commis. La série a ainsi pour but de raconter toute cette histoire poignante, du soir de l’agression jusqu’à aujourd’hui.

 

Une série révoltante et bouleversante

Par où commencer pour parler d’une série aussi percutante que celle-ci ? Je pense avant tout qu’il faut être prêt à sérieusement regarder cette série, épisode par épisodes, pour s’immerger un maximum dans l’histoire touchante de Korey, Kevin, Yusef, Raymond et Antron.

Il faut être prêt à refouler la rage et la violence que l’injustice provoque en nous. Prêt à souffrir avec ces jeunes dont la jeunesse, voire la vie a tout simplement été impactée. Prêt à voir et entendre des choses qui peuvent devenir incompréhensibles tellement elles sont aberrantes.

En d’autres termes, cette mini-série de quatre épisodes d’environ une heure est capable de nous faire vivre beaucoup d’émotions, tant elle nous prend aux tripes.

 

Une horrible injustice

Tout d’abord, toute la série se base sur l’injustice atroce que les cinq garçons ont subie. En effet dès le premier épisode, nos nerfs sont mis à rude épreuve, puisque cette bande de jeunes est accusée d’avoir agressé une joggeuse, simplement parce qu’ils étaient eux aussi dans central Park ce même soir.

Aussi, la question du racisme rajoute un sentiment de colère face à cette accusation puisque les 5 garçons appartiennent aux communautés noir américaine et latino-américaine.

D’ailleurs, là où la série se démarque, c’est justement parce qu’elle n’est pas restée que sur une dénonciation du racisme. En effet Ava DuVernay, la créatrice de la série, souhaite aller bien au-delà en dénonçant tout le système judiciaire américain.

 

Un système policier tyrannique et agressif.

Ensuite, la tension monte d’un cran lorsque les cinq garçons arrivent au commissariat, totalement effrayés et ne sachant pas pourquoi ils ont été arrêtés. De plus j’ai trouvé que  la violence morale et psychologique des policiers sur les protagonistes est parfaitement dépeinte.

En effet, nous sommes directement immergés dans une ambiance anxiogène avec des policiers qui ont pour seul but de désigner des coupables. Ces jeunes du quartier d’Harlem représentent alors pour eux les personnes idéales.

Alors, la violence des interrogatoires nous fait ressentir de vives émotions, partagées entre la peine pour ces adolescents et la colère envers les policiers, qui n’ont aucune honte à séquestrer et hurler sur des enfants sans défense.

Personnellement, j’ai trouvé ces scènes particulièrement difficiles à regarder. La série arrive parfaitement à nous transmettre la peur, l’angoisse et la fatigue morale qu’ont ressentie les cinq jeunes à ce moment-là. Mais  on se rend rapidement compte que les épisodes deviennent de plus en plus lourds  au fur et à mesure que l’histoire avance.

 

Un procès profondément bouleversant.

Après avoir signé des aveux sous la menace des policiers, les cinq jeunes se retrouvent inévitablement enrôlés dans un procès houleux. L’épisode du procès est particulièrement intéressant, puisque de nouveaux acteurs tout aussi importants rentrent en jeu : les parents, le public et les médias.

Dans la série, les parents ont eux aussi une place essentielle puisqu’ils sont aussi énormément impactés par cette affaire. Leurs enfants étant en danger et menacés de prison, ils se doivent d’être un réel bouclier pour eux. Je trouve d’ailleurs que ce que ressentent et vivent les parents a bien été retranscrit car finalement, ils sont tout aussi important dans l’histoire.

La série devient alors complète, dans le sens où toutes les personnes qui ont subi cet évènement ne sont pas marginalisés et au contraire sont mises en avant.

On est alors capable de ressentir la douleur des mères voyant ce qu’elles considèrent encore comme leurs bébés, passer devant un tribunal. Mais aussi l’impuissance des pères qui ont l’impression de n’avoir pas su protéger leurs fils.

Selon moi, la force de la série réside dans le fait que l’émotion et le ressenti des personnages, même secondaires, ont été analysés et représentés à l’écran, rendant la série encore plus émouvante.

 

Une réinsertion sociale brutale

D’autre part, ce que j’ai particulièrement apprécié dans la série est l’importance qui a été accordée à la réinsertion des jeunes dans la société après la prison. On les voit ressortir, environ 6 ans plus tard, tous adultes et transformés par cette étape traumatisante, qui leur a volé leur innocence et leur liberté.

Lorsque les protagonistes retournent à la vie « normale », on peut avoir l’impression que c’est presque la partie la plus difficile pour eux. En effet, ils se retrouvent projetés dans un monde qui leur est presque inconnu.

Pour eux, le temps semble s’être arrêté lorsqu’ils étaient en prison, puisqu’ils étaient coupés des autres et de leurs proches. Or en réalité, le monde a bien continué de tourner sans eux.

D’ailleurs ce sentiment d’enfermement est assez bien retranscrit à l’écran avec des plans sur la vie des parents, qui a bien évolué contrairement à celle de leurs enfants.

 

Des vies à jamais détruites ?

De cette façon, la thématique de la réinsertion est très intéressante puisqu’elle nous permet de nous rendre compte de l’ampleur des dégâts que le procès a eue sur leur vie.

Ainsi, le destin des  jeunes se chevauchent et le montage de la série le montre bien. On a des plans sur la vie  de chacun des jeunes, mais on a parfois l’impression de suivre une seule histoire. En effet,  ils connaissent finalement  les mêmes difficultés : faire face aux regards empathiques et accusateurs des autres, trouver un travail, se resociabiliser, rattraper une jeunesse perdue.

Encore une fois la série en devient plus bouleversante. Elle donne la sensation qu’il n’y a plus d’espoir pour les protagonistes en anéantissant toutes possibilités de retrouver une vie normale. Pour cela, elle prend bien le temps d’appuyer sur leurs échecs pour montrer aux téléspectateurs à quel point les personnages seront marqués à jamais par cette histoire.

 

L’histoire de Korey : le climax de la série

Enfin, si toute la série arrive à nous faire passer par plusieurs émotions,  pour moi, le point culminant de la série reste l’histoire de Korey qui est le seul à être allé en prison pour adultes.

À travers son vécu, la série prend le temps de faire une critique explicite du système carcéral américain, entre des prisonniers violents et des gardiens corrompus.

On ne peut que ressentir de la peine, de la frustration et de l’indignation face à ce que Korey a subi en prison. La série nous montre d’ailleurs que c’est surement celui qui en a été le plus impacté, notamment à travers les scènes où on le voit complètement délirer en s’imaginant une autre vie

D’ailleurs, si pour les quatre autres, les acteurs jouant les adolescents et les adultes ont changé, Korey est le seul dont l’acteur, Jharrel Jerome, est resté le même. Ce choix accentue l’impression que son horrible situation restera la même, et qu’il ne trouvera jamais d’échappatoire.

 

 

La vérité : la seule véritable justice

Finalement, la vérité finie un jour par éclater. La série réussie parfaitement à nous tenir en apnée tout le long, à tel point que l’on pourrait penser qu’il n’y a aucune porte de sortie. Alors, même si les personnages ont pu être libérés de prison, la justice n’est réellement rendue que lorsque la vérité est révélée.

D’ailleurs ce souci de vérité est un réel fil rouge durant la série. En effet, malgré les menaces, les accusations, les humiliations et les violences qu’ils ont subies, aucun des cinq garçons n’a jamais dit avoir commis l’agression. On a alors encore plus de respect et d’empathie pour ces personnages qui deviennent presque des modèles pour les téléspectateurs.

 

En conclusion : une excellente série à regarder.

Pour finir, si vous m’avez bien suivi jusque-là, c’est une série qui selon moi devrait être vue, non seulement parce qu’elle est poignante et bouleversante, mais aussi parce que c’est une histoire qui a profondément marqué les Etats-Unis, en étant l’un des procès les plus médiatisés.

Si le scénario, et les dialogues font la force de cette série, il est impossible de passer à côté d’un excellent jeu d’acteur. Les acteurs jouant les enfants m’ont d’ailleurs particulièrement impressionné.

De plus, les musiques nous plongent dans l’ambiance des années 90 avec des sons très rap et RnB. L’immersion est alors totale, et on a réellement la sensation de vivre l’histoire étape par étape.

Le souci de réalisme est d’ailleurs très bien réussi. En effet, les séries retraçant des histoires vraies sont très souvent romancées, mais ici la série reste particulièrement réaliste, sans rajouter de scènes « sensationnelles » pour la rendre plus dramatique.

On peut  parfois avoir l’impression que c’est une fiction tant certaines scènes sont révoltantes, mais les derniers plans nous montrant les vraies personnes ayant vécu l’histoire nous ramènent à la dure réalité.

Alors, n’hésitez plus à regarder ce chef-d’œuvre qui va à coup sûr vous marquer émotionnellement !