Fleabag est une série télévisée britannique de 2016, coproduite par Amazon Studio, et donc disponible sur Amazon Prime. La série est écrite par Phoebe Waller-Bridge, qui interprète aussi le personnage principal, Fleabag, une jeune femme qui tient un café au cœur de Londres.

« Fleabag », puisqu’elle n’est jamais appelée par son nom, est une trentenaire un peu paumée, sarcastique, et franchement hilarante. On va la suivre tout au long de la série alors qu’elle tente de faire le deuil de sa meilleure amie, Boo, avec qui elle avait ouvert son café. En réalité, elle fuit ce deuil plus qu’elle ne l’affronte, et ce à travers l’humour, le déni, et… le sexe.

Ce point de départ en fait une série un peu douce-amère, comme pouvait l’être After Life de Ricky Gervais. Toutefois, ce qui frappe dès le premier épisode de Fleabag, c’est l’adresse au spectateur, puisque la jeune femme brise constamment le quatrième mur.

Une rupture du quatrième mur parfaitement maitrisée

Pour être tout à fait honnête, l’adresse au spectateur peut très vite m’énerver, c’est d’ailleurs ce qui m’avait particulièrement irritée dans Enola Holmes, ou ce qui m’a paru plutôt lourd dans Deadpool (n’en déplaise aux fans ??).

Ici, lorsque le personnage s’adresse à ses spectateurs, ce n’est pas en tant que spectateur même, mais comme un ami dont elle seule aurait conscience. Ces ruptures apparaissent comme les réflexions qu’on se fait tous à soi-même, les blagues que l’on pense mais que l’on ne peut décemment pas dire à voix haute. Ce sont les messes basses que l’on fait à un ami, ou les regards entendus que l’on s’échange et qui se passent de mots. Cette relation personnage-spectateur est particulièrement subtile, et c’est ce qui fait le charme de la série dès ses premières minutes. De plus, lors de ces ruptures, le reste de la scène n’est pas mis en pause, les autres personnages poursuivent leurs actions, la vie continue. Le rendu en est d’autant plus naturel, car Fleabag s’adresse à nous, en tant que partie prenante de ce qui arrive autour d’elle, elle nous invite à être témoins de la scène et à partager ses réactions.

Pour traiter les sujets abordés dans la série, à savoir la mort, la rupture des relations familiales, la crise économique ou même la religion, et parvenir à un rendu aussi drôle, il faut une sacrée justesse dans l’écriture, et c’est sans aucun doute le talent de Phoebe Waller-Bridge. En effet aucun des dialogues n’est forcé ou ne parait de trop, et le jeu des regards, des silences n’est que trop réaliste. Dans la vie il y a des moments qui se passent de mots, tout comme d’autres où il faudrait parler mais où ce sont les mots qui manquent. Il y a aussi des phrases que l’on regrette à peine on les a prononcées, soit parce qu’elles peuvent blesser, soit parce qu’elles étaient inappropriées et créent un malaise. Fleabag a compris ça et l’utilise, autant pour faire rire que pour toucher le public. Cela tient aussi énormément au jeu de l’actrice, qui est exceptionnel : certaines scènes sont tout simplement bouleversantes tant elles sont justes.

Un point de vue féminin

Ce point ne m’était pas apparu lors de mon premier visionnage de la série, mais est davantage une réflexion qui m’est venue plus tard alors que je repensais à celle-ci. Je suis une grande amatrice de séries, et, comme c’est sûrement le cas de beaucoup, j’ai tendance à m’identifier aux personnages, à me demander comment j’aurais, moi, réagi à telle ou telle situation. Il m’est alors venu à l’esprit que j’avais rarement vu une série qui s’appuie autant sur ses personnages féminins. Alors, est-ce que j’ai aimé autant Fleabag parce que je m’identifiais à elle en tant que femme ? Après m’être posé la question je ne pense pas ; je me suis déjà par le passé identifiée à des personnages masculins sans me poser davantage de questions. En y pensant, j’ai d’ailleurs eu tendance à m’identifier plutôt à ces personnages masculins qu’aux femmes présentes. Ici ce n’est pas le cas, et c’est aussi certainement dû au fait qu’on leur laisse la place d’évoluer et de se développer en tant que personnages. Ce sont des femmes fortes, mais ce ne sont pas des femmes parfaites. Elles sont faillibles, elles ne sont pas toujours 100% conformes aux valeurs qu’elles sont supposées défendre, elles sont libres mais se mettent des barrières, elles sont fatiguées ou hyperactives, plutôt renfermées ou bien très extraverties, bref, elles sont REALISTES. Le fait que l’écriture derrière la série soit celle d’une femme n’y est d’ailleurs surement pas pour rien.

« I sometimes worry that I wouldn’t be such a feminist if I had bigger tits »

Et si, évidemment, il n’est pas nécessaire d’être une femme pour apprécier l’humour de la série et le caractère des personnages, en tant que telle, cela fait plaisir à voir.

Une saison 2 à la hauteur ?

Avec deux saisons de 6 épisodes chacune (compter ~25 minutes par épisode), Fleabag est une série qui se bingewatch. Je pense avoir personnellement mis deux jours pour la regarder tellement j’étais accrochée. J’ai précédemment fait un parallèle avec la mini-série After Life, dont la deuxième saison, que j’attendais beaucoup, et qui m’avait énormément déçue puisque je trouvais qu’elle n’apportait rien de nouveau à l’univers, que les enjeux soulevés étaient moindres, et que rien dans la forme n’évoluait vraiment. Quand j’ai alors fini la première saison de Fleabag, que j’avais tellement appréciée, j’avais un peu peur de me retrouver face au même problème. Quelle ne fut pas ma surprise de voir que la saison 2 était encore plus qualitative. Au niveau de la forme, on est face à une réalisation qui prend plus de libertés, qui se permet même une réflexion un peu méta sur l’adresse au spectateur. Au niveau du fond, on avance encore un peu plus dans le développement des personnages que l’on connait, tandis qu’on nous en présente de nouveaux, qui apportent toujours quelque-chose et ne sont pas là que pour redynamiser artificiellement un scénario qui manquerait de souffle.

Fleabag est alors pour moi une série dans laquelle on peut se jeter les yeux fermés, qui est constante dans sa qualité, et qui nous fait passer par tout un spectre d’émotions.