Réalisé par Noah Baumbach et sorti en décembre 2019 sur Netflix, Marriage Story est un drame qui raconte l’histoire de Charlie, un metteur en scène de Broadway, et de sa femme Nicole, une actrice devenue comédienne jouant dans les pièces de son mari. Contrairement à ce que nous annonce son titre, Marriage Story est l’histoire d’un divorce. Nominé aux Oscars pour le meilleur scénario original, le film m’a frappée par la justesse de son propos et le développement de ses personnages.

 

 

Maîtrise des dialogues et jeux des acteurs

 

En effet, malgré un thème plutôt difficile, le film ne tombe jamais dans le pathos et sonne toujours juste. Il y a une réelle maîtrise des dialogues, autant ceux du couple que ceux des personnes qui les entourent. L’ensemble des interactions entre les personnages est naturel et ne semble jamais forcé, qu’il s’agisse de l’utilisation des silences, mais aussi et surtout des interférences : une blague, une anecdote, l’histoire d’une rencontre, cela apparaîtra glissé autour d’une conversation. Je parle ici d’interférences, mais il n’y a pour moi aucune scène superflue dans Marriage Story, et c’est là que le propos est incroyablement bien maitrisé : toutes les scènes sont urgentes, nécessaires, le film ne peut pas fonctionner sans l’une d’elles.

De plus, si le naturel se ressent autant dans Marriage Story, c’est en grande partie grâce au jeu des acteurs. Respectivement nominés aux Oscars dans la catégorie « meilleure actrice » et « meilleur acteur », Scarlett Johansson et Adam Driver forment un duo qui fonctionne étonnement bien. Leur performance, au-delà d’être touchante, leur laisse une vraie liberté d’expression.

 

 

Le traitement du fond dans la forme

 

Si le film laisse cette impression de naturel, de justesse, c’est aussi parce que le fond de son propos se ressent directement par la forme, faisant ainsi passer son message dans l’image. Marriage Story traite d’une séparation, et de fait, se base sur l’opposition entre les personnages. Celle-ci intervient au détour de sur-cadrages, les personnages séparés à l’écran par une barre de métro, une clôture… Mais aussi dans le décor, Charlie voulant vivre à New York et Nicole à Los Angeles, les deux personnages se retrouvent opposés aussi bien émotionnellement que physiquement. Le placement de la caméra sert le même propos, se plaçant entre les personnages durant une discussion, permettant un champ contre champ classique, puis prenant une amorce lors des confrontations. Plus subtilement, Noah Baumbach installe aussi cette opposition dans les couleurs, le bleu pour Charlie et le rouge pour Nicole, comme on peut le voir sur les deux affiches du film. Comme dans leur relation, ce qui les rassemble à l’écran est leur fils, pour lequel sont utilisées les deux couleurs. Lorsque Charlie est à Los Angeles pour voir son fils, les deux personnages sont rassemblés par le même fond de la ville, mais restent opposés par les endroits où ils se trouvent.

 

 

La dimension théâtrale

 

Dans le même ordre d’idées, on retrouve la théâtralité présente dans le film par le métier de Charlie directement dans la forme du film. Composé comme une suite d’actes qui se finissent par des fondus au noir, Marriage Story comporte une dimension théâtrale très importante. Le déplacement des personnages n’est pas laissé au hasard et chaque scène, qu’il s’agisse d’une dispute, d’une discussion, ou encore d’une conversation téléphonique, a sa chorégraphie propre qui laisse une marque sur le spectateur. Par exemple, alors qu’il travaille, Charlie va recevoir un appel qui va le faire sortir de la salle, pour évoluer dans le couloir, dans la cage d’escalier, puis finir dans la rue, seul au milieu de la foule de New-York, position qui n’est pas anodine. Il évolue dans cet espace tout en devant interagir avec ce milieu et les personnages qui le composent, ainsi il doit répondre à des questions concernant son travail et maintenir sa conversation: dans sa vie professionnelle comme personnelle, on est face à un personnage qui est dans l’urgence, qui manque de temps. 

La présence de passages musicaux renforce aussi évidemment cette théâtralité, sans être forcée, s’incluant naturellement à l’histoire et amplifiant le ressenti des personnages au moment choisi.  Il va s’agir d’un interlude dans un bar, d’une scénette lors d’une fête de famille, et suivre le déroulement naturel du récit. La présence du théâtre dans l’oeuvre cinématographique ne sort pas le spectateur du film mais renforce d’autant plus son immersion.

 

 

 

Marriage Story représente pour moi un film vrai, un film juste, qui comprend son spectateur et se livre à lui. Loin d’être manichéen, il nous montre la complexité d’une telle séparation, l’ambiguïté des sentiments humains, et j’ai aimé me reconnaître dans le personnage de Nicole autant que dans le personnage de Charlie. C’est un film dur, drôle, touchant, qui mérite sans aucun doute sa place dans la sélection des Oscars et qu’il faut voir au plus vite !