L’univers des romans de suspense et d’horreur est souvent un milieu très restreint où seulement un petit nombre d’auteurs arrivent à s’y faire une place. Le roman que je vais vous présenter ne déroge pas à la règle puisque c’est un des livres les plus célèbres de Stephen King : Salem. C’est par sa construction que ce roman va réussir à se démarquer et va attirer notre attention. Des réflexions spécifiques à la société américaine seront dévoilées au fil du roman et c’est ce que je vais vous faire découvrir dans cet article.

 

Le point de départ de l’intrigue : Dracula

 

Lorsque l’on évoque Salem on pense tout de suite à la chasse aux sorcières, mais ne vous y trompez pas, dès la préface on sait que ce roman parlera de vampires. D’ailleurs une des œuvres d’inspiration majeure de King est Dracula. De nombreuses références au roman de Bram Stoker sont parsemées à travers l’intrigue. C’est pourquoi avant de lire Salem il est d’abord possible de lire Dracula.

Commençons donc par cette intrigue. Un écrivain à succès nommé Ben Mears revient dans la ville de son enfance pour écrire son nouveau roman. Cette bourgade baptisée Jerusalem’s lot ou Salem par ses habitants est un lieu paisible et typique des Etats-Unis. La vie suit son cours, il commence à fréquenter une fille de Salem Susan Norton, rencontre les habitants de la ville, tout paraît normal. Le seul évènement sordide à noter est un meurtre remontant à plusieurs années. Cependant deux nouveaux résidents s’installent dans la ville. C’est alors que des incidents et des disparitions inquiétantes surviennent, Ben Mears, sa compagne, et d’autres habitants vont tenter de mettre fin à ces problèmes. Dans leurs investigations ils seront confrontés à l’horreur et à des forces qui les dépassent.

Stephen King nous fait donc en réalité découvrir sa version de Dracula, retravaillée pour s’intégrer à la société moderne et au cadre vie américain ?

 

Un roman construit de manière précise et réfléchie.

 

La construction du roman est réfléchie et précise en ce sens qu’elle est linéaire et bien organisée. Il semble même parfois que c’est un exercice d’écriture pour Stephen King. Tous les éléments s’intègrent au fur et à mesure sans laisser d’incompréhensions, les personnages principaux sont tous décrits dans les détails ce qui permet au lecteur de se plonger dans la vie de la ville. L’intrigue débute quant à elle lentement mais évolue vite pour finalement ne plus s’arrêter jusqu’à la fin.

La précision se ressent aussi dans cette manière qu’a l’auteur de retranscrire l’intrigue de Dracula dans le cadre d’une ville américaine des années 70. Ici l’auteur ne nous fait pas voyager à travers l’Europe aux côtés de Jonathan Harker mais au sein d’une ville a priori paisible au milieu des Etats-Unis. Toutefois on retrouve de nombreuses similitudes entre les personnages de Dracula et ceux de Salem. Il y a 5 personnages masculins principaux dans Dracula et le même nombre dans Salem. La personnalité de chacun peut être retrouvée dans un des personnages de Dracula. De même tout ce qui a trait aux vampires dans Salem est très proche de ce qu’avait imaginé Bram Stoker dans Dracula. L’origine du némésis des personnages de Salem, ses pouvoirs, la manière dont il s’est introduit dans la ville et même son apparence physique, rappellent le comte Dracula.

 

 

C’est par cette fidélité à Dracula que Stephen King va transmettre sa vision des Etats-Unis et de son époque

 

Dans les années 70 aux Etats-Unis, tout change. Ce n’est plus l’Angleterre victorienne, Salem se veut donc résolument plus sombre et critique que Dracula. En effet, à l’heure des voitures et de la transmission immédiate de l’information toute forme de superstition est exclue. C’est ainsi que lorsqu’un vampire s’introduit dans une petite ville sans histoire personne n’arrive à y croire et la ville sombre peu a peu dans le chaos, la paranoïa s’immisce dans le quotidien de chacun et les ténèbres engloutissent finalement la ville.

On se rend aussi vite compte que cette bourgade tranquille ne l’est en réalité pas vraiment et que comme tout lieu peuplé, elle renferme des secrets parfois inavouables. C’est donc au chapitre 10 nommé Salem III que l’on comprend que ce qui attire le vampire dans la ville c’est la violence et l’horreur que cache la ville et ses habitants. On voit alors que le monde écrit par King est réel, il n’y a pas que du surnaturel, avant tout, le mal est contenu dans Salem elle-même. C’est une critique du temps et de ce qu’il fait disparaître, les non-dits et l’hypocrisie, présents dans toute société et sans lesquels, tout ne serait qu’anarchie.

En continuant dans cette direction, King critique aussi l’église et la foi protestante par le biais du révérend Callahan, un prêtre désabusé, alcoolique et qui perd la foi. On voit bien ici que les dogmes protestants n’existent plus dans cette ville et que la religion emblématique des Etats-Unis s’effondre.

 

Finalement, que peut-on penser de ce roman ?

 

Je vous dirais que c’est un bon roman pour découvrir Stephen King, si vous aimez les vampires et le surnaturel alors n’hésitez pas. C’est un roman facile à lire et divertissant.

De mon point de vue cependant, je le trouve un peu trop linéaire, le suspense est partiel car bien que certaines choses ne sont pas dites immédiatement, aucune réflexion n’est laissée en suspens. Ce roman nous prend par la main et nous guide au fil de son histoire. Tout est parfaitement compréhensible dans le roman, il n’y a rien d’évasif, ce qui peut en gêner certains. Ma sensibilité ne s’est également pas vraiment attachée aux personnages : ils sont bien détaillés et leur histoire est bien construite mais il n’y a rien qui me pousse vraiment à m’intéresser à eux. Chacun se fera sa propre idée là-dessus mais je ne me suis pas senti transporté du début à la fin du roman.

Je pense qu’il est quand même intéressant de le lire en tant que roman classique, en prenant un peu de recul par rapport à l’époque où il a été écrit, et à l’objectif du roman.