Cover du battle Goku vs Superman

 

 “ I’m dope as two rappers, you better be scared, ‘cause that means Albert E. = MC² ” –Albert Einstein dans Albert Einstein vs Stephen Hawking.

 Epic Rap Battles of History (abrégé en ERB) est une série de vidéos disponibles sur YouTube où s’affrontent en rap battles des personnages célèbres historiques ou fictifs (ex : Gandalf vs Dumbledore). Alors, amis de la pop-culture et amateurs de MC talentueux (MC signifie ici rappeur), préparez-vous à être régalés par leurs créateurs : Nice Peter et EpicLLOYD.

 

Un concept simple, innovant et interactif.

Pour chaque vidéo les protagonistes ont toujours un lien évident entre eux : Dr Who vs Doc Brown (l’inventeur dans Retour vers le futur), pour mettre au clair qui est le meilleur docteur du voyage temporel, ou encore J.R.R. Tolkien vs G.R.R. Martin pour voir quel écrivain de saga fantastique entre Le Seigneur des anneaux et Game Of Thrones est le plus talentueux. Le fait que les personnages de chaque vidéo aient un lien est une force immense car à la seule vue du titre on comprend l’enjeu de leur confrontation, comme Zeus vs Thor par exemple pour savoir quel est le meilleur dieu de la foudre. 

Ce lien justifie le rap battle, qui a alors comme une raison d’être, on ressent donc plus que de la simple curiosité, on se sent impliqué. Cette volonté de susciter l’interaction passe également par leur formule de fin « Who won ? Who’s next ? You decide », invitant les fans à trancher sur l’identité du vainqueur et leur donnant le rôle de proposer les opposants des futures battles. 

 

Comment poser une ambiance en 2 minutes.

Du fait de la durée de 2 à 3 minutes des épisodes il faut saluer leur réussite à créer une atmosphère presque instantanément. Bien sûr, ils économisent un temps de présentation car les personnages sont connus par tous, toutefois ils parviennent à utiliser des visuels et une instrumentale qui lient deux personnages aux univers différents. De plus, le jeu d’acteur est souvent convaincant, il n’y a pas de problème en termes de qualité d’interprétation car la majorité des invités sont également des habitués de production musicales ou sont des rappeurs (Snoop Dog, Weird Al Yankovic, Zach Sherwin…). 

Les vidéos sont tournées sur fond vert et un soin tout particulier est accordé au montage et aux divers effets spéciaux, permettant notamment d’illustrer différents aperçus de cauchemar d’un Wolverine entraîné dans un monde d’horreur par Freddy Krueger. Le second plan est lui aussi travaillé et plein de surprises, par exemple on peut remarquer que les cow-boys de l’univers de Clint Eastwood deviennent des ninjas lorsqu’ils passent du côté de Bruce Lee. Ou encore dans le battle J.R.R. Tolkien vs George R.R. Martin, on peut apercevoir le héros Jon Snow qui ressuscite en arrière-plan après s’être fait poignardé violemment par l’auteur de Game Of Thrones.

 
Epic fails ?

Cependant, ces vidéos ne sont pas faites pour être toujours totalement impartiales. Si de bonnes lignes sont toujours présentes des deux côtés des rappeurs, certaines fois il est clair qu’il y a un parti pris, notamment pour des épisodes comme Justin Bieber vs Beethoven ou Mozart vs Skrillex, où les musiciens classiques dominent les autres artistes plus éphémères. Avouons aussi que le choix de certains personnages est americano-centré, par exemple les noms de Bob Ross, Julia Child et Billy Mays ne sont que peu évocateurs pour des personnes non-familières de la télévision américaine. On peut donc avoir du mal à comprendre leur sélection, mais parmi tous les épisodes il reste énormément de figures charismatiques et marquantes que l’on mériterait de découvrir davantage. (Théodore Roosevelt, Che Guevera, Socrate…).

Cela m’amène à un deuxième point, pour quelques vidéos l’angle d’attaque peut paraître décevant. Cleopatra vs Marylin Monroe est souvent apprécié mais il est à déplorer que le battle se concentre principalement sur la vie sexuelle des deux protagonistes, elles offraient pourtant largement plus de matière. Également, choisir Caitlyn Jenner comme première personne transgenre de la série, utiliser son dead name, son ancien prénom, juste parce qu’il est le même que celui de son opposant (Bruce Banner), et que le lien du battle semble être la transformation physique est finalement de mauvais goût. Le pourquoi de ces choix hasardeux semble bien mystérieux puisque les concepteurs montraient une volonté d’être respectueux en invitant une rappeuse transgenre pour la vidéo et en lui laissant de la liberté pour le texte.

 

Un texte soigné.

Le dernier point essentiel à approfondir est la qualité des textes. Ils réussissent à allier le besoin de paroles efficaces pour un rap battle, l’humour nécessaire au divertissement et font en sorte qu’il y ait plusieurs subtilités dans le texte pour mériter d’autres écoutes. Je conclurai donc par quelques exemples en espérant vous avoir montré qu’il s’agit d’une série riche à plusieurs niveaux, pour amateurs ou curieux. 

De puissantes punchlines : “In eight bars I can write a whole best seller” Stephen King à Edgar Allan Poe ; « You can cure cancer with your tears ? Well tell me Chuck, how come you never sat down and cried on your career” Abe Lincoln à Chuck Norris

Des lignes amusantes et des jeux de mots : « You’re the only type of Dynamite that never going to bang” Napoléon à Napoleon Dynamite ; “C.S. Lewis and I were just discussing how you and Jon Snow both know nothing” J.R.R. Tolkien

Une référence qui demande de bien connaître le personnage : “Call me Jackson Pollock ‘cause I splatter MC’s” Bob Ross à Pablo Picasso ; “If I wanted to Shake-spears I’d waggle my biography” Julius Caesar à Shaka Zulu  

 
Ou le tout mélangé : « You’re an Ump-Che, that’s Bay of Pigs Latin” Guy Fawkes à Che Guevara,  le Pigs Latin est une sorte de verlan où l’on rajoute « é » à la fin, ainsi « chump » qui signifie crétin devient ump-Che, on retrouve donc le surnom de Guevara et on voit en même temps une référence à la Baie des Cochons, Bravo !