La Litto’sphère était au festival Les Historiques de Montbazon organisée par les youtubeurs Calidoscope et Nota Bene afin de rencontrer de nombreux acteurs du monde de la vulgarisation culturelle sur internet.

 

Litto’sphère : Bonjour Krono, est-ce que tu peux te présenter et présenter ta chaîne ?

 

KronoMuzik : Je m’appelle Michel, je suis compositeur (j’essaie d’arrêter de dire aspirant compositeur pour être plus crédible). Je fais beaucoup de musique, pour l’instant je n’en vis pas totalement mais ça commence tout doucement, et j’ai une chaîne YouTube qui s’appelle KronoMuzik. Le concept, la « chronique musicale express » est d’inciter à l’éveil musical. Il s’agit d’attirer des gens qui ne connaissent pas la musique ou croient que cela ne les intéresse pas ou superficiellement et laissent la musique aux musiciens, et de les renvoyer après vers des trucs bien faits comme les gens du Mediapason (collectif de youtubeurs parlant de musique sur leurs chaînes) ou Enjoy The Noise.

 

 

L : Donc tu réalises des chroniques très courtes ?

 

K : Oui, si ça affiche 5 minutes j’ai perdu. C’est 4 minutes 59 maximum. J’essaie de rester en-dessous des 4 minutes.

 

 

 

L : Pourquoi ce choix de rester relativement superficiel sur pas mal de sujets ?

 

K :  Il y a déjà tellement de vidéastes qui abordent les sujets en profondeur beaucoup mieux que ce que je ferais mais qui n’ont pas forcément d’exposition ! J’ai l’impression que c’est un contenu pour lequel il faut déjà montrer un intérêt pour la musique et je suis extrêmement déçu que ce contenu ne soit pas vu par plus de gens. Mon idée est donc d’avoir un contenu plus superficiel mais plus racoleur. Il s’agit d’aller chercher le grand public avec une formule facile à produire, à comprendre et à partager, mais ça implique malheureusement une certaine superficialité pour rester un vecteur de contenus.

 

L : Et est-ce que tu réussis à trouver un public pour ce genre de concept ? Ou est-ce que tu as l’impression d’être écouté par des spécialistes qui écoutent des choses qu’ils savent déjà ?

 

K : Pour l’instant je suis très content parce que j’ai vraiment un équilibre entre les deux, c’est-à-dire que je ne me fais pas trop traiter de noob par les « vrais » musiciens, à part deux ou trois, ce qui est normal. Mais la plupart comprennent la démarche.

 

L : Est-ce que tu aurais une vidéo particulièrement caractéristique de ton travail à recommander pour commencer à découvrir ta chaîne ?

 

K : Je pense à toutes mes vidéos « rouges » (avec une miniature au fond rouge). La moins représentative est une des seules dont je suis un peu fier, « Tetris VS. Halloween » où j’ai essayé d’expliquer un peu les bases de l’orchestration. La plus représentative est peut-être la dernière, « Big Flo et Oli VS. La vapo wave ». L’idée est de prendre un artiste assez connu et d’arranger un de ses morceaux dans un style moins connu, comme ici la vapor wave.

 

 

Je dis que j’essaie « d’émuler l’esthétique musicale de la vapor wave » car c’est un style musical très intéressant, qui est autant une esthétique musicale qu’un objet sociologique. Mais je n’ai pas du tout le temps de l’aborder de cette façon, donc je redirige vers d’autres vidéo. Il y a Mad Dog qui fait une vidéo super cool, il y a Baltaiiir, un pote à moi, Adam Neely qui est un youtubeur américain, et FrankJavCee. J’oriente vraiment les gens vers ces trucs-là. Ça résume bien ma démarche : je prends un artiste connu, je prends un morceau à lui, je l’arrange dans un style pas connu et puis après je dis « Allez voir ça, ça, ça, c’est super cool et ça permet de savoir ce que c’est ».

 

L : Et tu parlais tout à l’heure de PV Nova, tu essaies d’aller un peu plus loin que lui c’est ça ?

 

K : Ce n’est pas aller plus loin que lui, parce que je pense que mon contenu en soi est aussi « superficiel » que le sien (ce n’est pas une critique, on est plus des entertainers que des vulgarisateurs), et j’essaie de renvoyer vers des gens qui font de la vraie vulgarisation comme Tyllou, Silla BO, Scherzando, Guillaume de Révisons Nos Classiques et les vidéos du Mediapason en général.

 

 La fameuse vidéo où Michel explique son métier

 

L : Le deuxième sujet que je voulais aborder avec toi, c’était ton métier, qui est un peu original ! est-ce que tu pourrais l’expliquer ?

 

K : J’ai tendance à le définir comme « compositeur », mais tu me parlais d’identité audio, qui est un des concepts que j’ai sur ma chaîne. On le fait tout le temps dans la musique de film ou des jeux video : traduire un concept ou une idée en musique. C’est le côté « interprète » au sens linguistique du terme : on me parle en émotions ou en concepts et j’essaie de le traduire en musique. Ça passe par des choix d’instrument, de note, de timbre, de rythme, de ne pas mettre de musique… Je ne dissocie pas ça du métier de compositeur.

 

L : Est-ce que c’est un domaine en particulier ou est-ce que tu as l’impression d’avoir créé ton propre métier ?

 

K : Il y a plusieurs types de compositeurs : il y a les compositeurs qui transcrivent leur propre sensibilité – ce sont peut-être les plus intéressants- mais je n’ai pas l’impression d’avoir autant de choses à dire qu’un Tchaïkovski, un Hans Zimmer, un John Williams ou un Jimmy Hendrix. Mais traduire des trucs intenses qui me font vibrer d’une manière ou d’une autre, je pense que je suis capable de le faire.

 

L : Est-ce que tu aurais un conseil à donner à d’autres personnes qui comme toi voudraient se lancer dans un milieu aussi instable que celui de la composition, que ce soit de la composition personnelle ou pour d’autres ?

 

K : Je trouve très important de ne pas trop s’investir émotionnellement dans ce qu’on produit avant d’avoir une validation. Les premiers contrats ont été assez durs pour moi à cause de ça : tu veux donner un truc vraiment bien et une composition qui claque, tu peux passer un bail à faire un truc, ça devient ton bébé, tu le proposes à ton client qui te dit « c’est pas ça du tout ». Tu vas te sentir rejeté alors que si tu fais une petite ébauche vite fait que tu proposes, on t’orientera. Une fois que tu as cerné la direction dans laquelle tu veux aller, tu peux t’investir émotionnellement. Je travaille actuellement pour Lily Adams qui est une série vraiment cool, et j’ai plein de projets dans lesquels je peux m’investir parce qu’on s’est compris sur la direction, et à partir de là c’est carré.