Mr Sim est le genre d’homme qui semble être passé à côté de sa vie. Il a un job ordinaire, vit dans un quartier ordinaire, et sa femme ordinaire l’a quitté parce qu’il était trop ordinaire. Mais tout cela ne parait pas vraiment le déranger. Il a conscience qu’il n’était pas voué à une destinée incroyable, et s’en accommode parfaitement.

 

Le roman de Coe s’ouvre cependant sur la prise de conscience par Mr Sim de la solitude dans laquelle il est enfermé depuis quelques temps. Dans un restaurant en Australie, il décrit en détail les clients qui l’entourent sans jamais le voir ; et s’arrête plus longuement sur une femme chinoise qui joue aux cartes avec sa petite fille. Ce qui l’intéresse c’est le contraste qu’elles offrent avec le reste du restaurant : elles sont ensembles, et leur complicité crève les yeux. Cette scène va résonner tout au long du récit, soulignant l’envie qu’a Maxwell Sim de construire ce genre de relation avec quelqu’un.

 

Puis démarre l’épopée comique de notre homme, qui de retour en Angleterre, change de boulot et se lance dans la vente de brosses à dents dernier cri dans tout le pays. Il part donc, gravitant au milieu des paysages de son enfance, en compagnie d’une mystérieuse boîte remplie de lettres, et bien sûr, de Emma.

Emma, c’est la touche de folie douce que Jonathan Coe ne pouvait oublier. Emma, c’est la nouvelle confidente de Mr Sim, qui n’hésite pas à lui dévoiler tous les travers de son cœur. Emma, c’est celle dont il va tomber amoureux. Emma, c’est la jolie voix qui s’élève gracieusement du GPS.

 

Coe nous offre donc une réflexion sur la solitude d’un cinquantenaire des plus ordinaires. Malgré la technologie, qui facilite la création du lien social, Maxwell Sim reste dans son coin, et détourne cette technologie de la plus touchante des manières. On en vient même à se demander s’il souhaite réellement sortir de cet isolement…

Le mélange constant de mélancolie et de comédie fait de La vie très privée de Mr Sim un roman franc, transparent de vérité, plein de douceur et de relativisme.

 

Et au moment où l’on s’y attend le moins, Coe nous rappelle son talent d’auteur en proposant une profonde réflexion sur l’écriture elle-même et l’imaginaire du roman. Une seule manière de terminer cette lecture : un sourire aux lèvres.

 

« Les voitures, c’est comme les gens. On va, on vient dans le grouillement du quotidien, on passe à deux doigts les uns des autres, mais le vrai contact est très rare. Tous ces ratages de peu, tous ces possibles irréalisés, c’est effrayant quand on y pense. Mieux vaut éviter soigneusement d’y penser. »

 

La vie très privée de Mr Sim – Jonathan Coe, 2010, Gallimard

 

Ps : Vous pouvez retrouver l’adaptation cinématographique sortie en 2015 et réalisée par Michel Leclerc, qui reprend l’histoire au mot en l’intégrant dans l’espace français.