Derrière la candeur de ce titre accrocheur se cache en réalité une berceuse macabre qui captive notre attention jusqu’à la dernière note.

Dès le début, Leïla Slimani ne ménage pas son lecteur puisque le roman s’ouvre sur la scène du meurtre des deux enfants du récit, assassinés par leur nounou, laissant ainsi d’emblée un aperçu de la saveur de l’histoire..

Comment en est-on arrivé là ?

Un thriller psychologique retraçant le cheminement qui a conduit à cette scène initiale s’ensuit, ponctué par le portrait d’une famille bourgeoise du dixième arrondissement parisien et des retours sur le passé de cette nourrice si frêle et parfaite.

 

Après une série d’entretiens exigeants, Louise est retenue pour s’occuper de la progéniture des parents absents, Myriam et Paul. Elle est la perle rare, irréprochable et entièrement dévouée à cette petite famille qui se laisse envoûtée par cette femme qui, telle une araignée, tisse lentement mais sûrement sa toile au sein du foyer. Le tableau idyllique s’estompe à mesure que cette nounou indispensable s’immisce dans la vie des Massé, créant un profond et inévitable malaise, signe annonciateur du drame.

 

On ne le dira jamais assez : les apparences sont trompeuses. De page en page, Louise nous enfonce dans sa tourmente et dévoile l’esprit torturé d’une femme réduite au silence qui cherche incontestablement la reconnaissance. Son dévouement reflète une lutte constante contre son passé, son endettement pesant, sa solitude. Consciente que la famille n’aura à terme plus besoin d’elle, cette nourrice cherche à marquer son territoire dans ce petit appartement envahi par une marée sombre.

 

La folie grandissante de ce personnage est le miroir d’une colère refoulée se concrétisant dans un meurtre qui, de ce fait, semble être l’unique solution pour attirer l’attention d’un entourage qui ignore tout de ses difficultés quotidiennes.

 

Ce roman aussi glaçant que fascinant est une peinture d’une société aveuglée par un quotidien prenant et répétitif, enfermée dans l’obligation de réussite sociale et les rapports de domination.

Même si Louise est intégrée dans la famille, on sent bien que celle-ci ne cherche pas vraiment à découvrir ce qui se cache derrière cette poupée lisse et délicate.

Noyés dans le tourbillon du « métro, boulot, dodo», les parents ne peuvent déceler les méandres d’une folie qui se dessine petit à petit.

 

« Chanson douce » tient en haleine jusqu’au dernier mot et sa lecture est rendue agréable grâce au style fluide et tranchant de Leïla Slimani. Cette mélodie angoissante décrit avec justesse la société actuelle, pouvant susciter un malaise..

En somme, il confirme bien qu’une personne est « une ombre où nous pouvons tour à tour imaginer avec autant de vraisemblance que brillent la haine et l’amour. »

 

Chanson douce, Leïla Slimani, éditions GALLIMARD, 2016